Les assureurs se réorganisent pour affronter avec des armes plus adaptées que par le passé des défis qui pourraient jeter certains d’entre eux hors de la piste. L’association des compagnies d’assu-rances (ACA) fait sa mue en mettant en place une organisation qui ressemble un peu à celle de sa « grande sœur » pour les banques, l’ABBL : le comité de direction, formé de quatre membres monte en puissance et en autonomie par rapport au conseil d’administration et devient véritablement l’organe exécutif de l’association. Paul Hammelmann, depuis trente ans aux commandes de l’organisation professionnelle en tant que « conseiller juridique » en devient désormais administrateur délégué.
L’ACA et l’ABBL ont d’ailleurs un point commun : leurs présidents respectifs ne sont pas des Luxembourgeois, ce qui constitue une première pour les deux associations patronales. L’Allemand Ernst Contzen est devenu fin avril le président de l’Association des banques et banquiers Luxembourg. Deux mois plus tard, c’est au tour du Belge Paul de Cooman, patron d’Axa, de prendre les commandes de l’ACA jusqu’en 2012. Il fait son entrée à la faveur d’une tournante entre les deux grands assureurs (Foyer et La Luxembourgeoise) et le président du syndicat des compagnies d’assurances, regrou-pant les plus petits acteurs du secteur. Comme André Bredimus (Bâloise), le sortant, n’a plus souhaité se représenter à la présidence, l’honneur est alors revenu au dirigeant d’Axa.
L’évènement marquant de 2010 sera sans doute l’adoption par les assureurs d’un code de bonne gouvernance (doté d’un conseil de discipline), dicté avant tout par le soucis qu’ont les assureurs d’être assimilés aux banquiers, qui sont à l’origine de la crise financière. « L’autorégulation, indique Paul de Cooman, procède toujours du principe que les mieux placés pour connaître les réels défis, dangers, dérives et contraintes d’une activité sont ceux qui les mènent ». L’ACA entame par ailleurs une ouver-ture vers l’extérieur en absorbant l’association des réassureurs (Agere), dont elle assurait déjà le secrétariat et s’ouvrant aux autres professionnels du secteur de l’assurance (PSA), se donnant ainsi une masse critique qui devrait davantage crédibiliser l’association vers l’extérieur dans certaines négociations, notamment salariales et au sein d’autres organisations patronales comme l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL).
Comme l’explique le président sortant de l’ACA Marc Lauer dans le rapport annuel de l’association, l’un des grands défis des assureurs sera de survivre au secret professionnel, qui a cimenté pendant des décennies le développement fulgurant des contrats d’assurance vie commercialisés à des clients non résidents. Les assureurs ne s’en émeuvent pas outre mesure, sans doute parce que la profession communique déjà, dans certains pays de leurs souscripteurs, des informations relatives aux contrats d’assurance, à travers des représentants fiscaux qui assurent la perception des taxes sur les primes d’assurances. Jusqu’ici toutefois, les informations divulguées n’étaient pas nominatives, préservant ainsi le secret professionnel. « Un secret non fiscal, mais permettant de garder la confidentialité pour des raisons parfaitement légitimes (par exemple l’attribution successorale) couplé à des produits innovants devrait garantir le succès de l’assurance vie internationale », assure Marc Lauer, en affirmant que « l’activité d’assurance vie en libre prestation de services peut continuer à se développer, même sans secret professionnel fiscal ». Mais pas question pour les assureurs luxembourgeois d’aller plus loin et de donner tout leur bras : « Un échange automatique en revanche ne pourra être soutenu par l’ACA ». Et la principale raison invoquée pour ce refus n’a plus grand chose à voir avec l’idéologie : « Une telle mesure, soutient Marc Lauer, aura un coût exorbitant du fait de l’effondrement immédiat de l’activité sur certains segments de clients sensibles à la protection de la vie privée ».