L’histoire de Manu Mendes ressemble au départ à celle de nombreux enfants d’immigrés cap-verdiens au Luxembourg, mais son amour pour la musique, son savoir-faire et sa persévérance ont fait aujourd’hui de lui une des figures incontournables de la nuit grand-ducale.
Tout commence donc au Cap Vert, où la vie quotidienne semble être naturellement bercée par la musique. Un père mélomane, un frère musicien, une sœur fan de Whitney Houston : les après-midis en famille se déroulent simplement, aux rythmes des chansons diffusées par un antique mange-disque dégoté on ne sait plus trop où… Puis vient la fin des années 70 et l’exode lusophone vers ce petit pays où la main d’œuvre manque cruellement. Papa Mendes part le premier, puis il est rejoint par femme et enfants quelques années plus tard. Ce changement drastique de culture, de climat et de langue ne perturbe pas le jeune Manu au point de freiner son engouement affirmé pour le funk, le disco, la new jack et le rythm’n’blues. De ces courants musicaux, il a d’ailleurs gardé un goût évident pour les tenues colorés, joyeuses et accessoirisées à l’instar de ces chapeaux et de ces lunettes qu’il arbore en toutes circonstances : la nuit, le jour, au Biergercenter, en club, en interview… Il est difficile de ne pas reconnaitre le jeune quadra lorsqu’on le croise, même de loin!
Mais à l’époque où il est encore un élève discret du Lycée technique de Bonnevoie, le jeune Manu se contente de suivre son grand frère lors de ses virées nocturnes sans la gouaille qui le caractérise tant aujourd’hui. La culture DJ n’en est alors qu’à ses prémices mais la maitrise de Sydney Fresh, résident à époque du Starlife – devenu depuis le Magnum – va le passionner et l’amener rapidement à se tourner vers la pratique des platines. Pour s’entrainer, il s’achète un peu de matériel et ses premiers vinyles, pour se faire entendre, il décide de créer son propre public en organisant un groupe de boums du dimanche après-midi dans un quartier proche de la gare, qui vit plutôt tard la nuit et qui n’a pas l’habitude de voir débarquer des jeunes : « je n’étais pas du tout motivé par l’argent, en tant que DJ, j’étais content d’être payé 50 francs luxembourgeois pour cinq heures de prestation ! C’était vraiment le plaisir de jouer qui m’amenait là tous les dimanches ».
Une fois son cursus terminé, Manu Mendes occupe plusieurs postes dans les télécommunications, notamment à la Poste luxembourgeoise, où il sera un des premiers testeurs de téléphones portables, mais, encouragé par ses parents, il continue en parallèle à développer sa carrière de DJ et d’organisateur de soirées. L’apogée de cette époque sera l’émergence des collectifs Barmix et Groove Attaxx, qui feront l’âge d’or du lieu clubbing ultime de la fin des années 90 à Luxembourg : le Melusina. Il y a quinze ans, le succès de ses événements poussent Manu, devenu DJ Manu M, à choisir entre ses activités de jour et sa passion nocturne et c’est finalement cette dernière qu’il choisira pour assurer son avenir. Un choix professionnel accompagné d’un coup de foudre musical : la musique house dont il s’éprend éperdument lors des soirées Clubzone du Marx et dont il est à présent un des meilleurs représentants au Grand-Duché.
En effet, c’est aujourd’hui autour de cette musique née au début des années 80 et dont le nom est issu du Warehouse de Chicago que Manu M articule ses activités et son succès. De ce mouvement, il affectionne non seulement les précurseurs comme le mythique Larry Levan – qui possède sa propre rue à New York –, mais aussi les interactions avec d’autres genres musicaux ainsi que le jeunes talents qui en veulent comme Black Coffee, DJ sud-africain invalide du bras gauche et qui réussit pourtant à sortir des sons jamais entendus jusque-là… Tout ceci l’inspirent pour la création de ses soirées, devenuee incontournables depuis quelques années : la fameuse Kiss My Boat annuelle sur la Moselle qui rassemble aujourd’hui plus de 600 personnes, ou bien encore l’Adjoa, évènement précurseur pour les clubbers dominicaux…
Une telle réussite pourrait donner au DJ luxembourgeois des envies d’ailleurs, mais c’est au Luxembourg qu’il souhaite continuer à faire danser, mais où il aimerait que les gens sortent plus pour la musique que pour se montrer : « Il manque parfois une certaine classe, un réel engouement pour la musique dans les clubs luxembourgeois. C’est notre rôle de pousser les gens à s’intéresser plus à ce qu’ils entendent ». Une vision dont il parle avec enthousiasme et peu de cynisme.
En attendant, le petit Manu Mendes devenu grand Manu M s’attelle à concocter un moyen de fêter cette fin d’été comme il se doit avec une grande soirée Eden au Waldhaff, le 20 septembre prochain… Oiseau de nuit ou pas, vous êtes prévenus !