L’épopée des sentiments humains, un sujet toujours aussi contemporain. Mieux qu’une série télévisée à rebondissements, Poppea/ Poppea chorégraphié par Christian Spuck et interprété par la compagnie Gauthier Dance était présentée sur une seule date à Luxembourg.
La pièce a été créée en juillet 2009 au Stuttgarter Theaterhaus par le directeur désigné du ballet de Zurich, Christian Spuck, inspiré par l’Incoronazione di Poppea dernier opéra de Claudio Monteverdi. Au-delà de Néron, Poppée, Octavie, Sénèque, Othon, finalement c’est l’histoire d’un mec, d’une nana sur fond d’amour, d’intrigues, de politique et de désirs violents. Le décor est sombre, contemporain pour évoquer l’œuvre de Monteverdi et retracer cet épisode historique de la seconde épouse de Néron.
Une présentatrice danseuse annonce un à un les « monstres sacrés » de cette épopée. Elle résume aussi les diverses scènes (six) en des termes simples « c’est Poppée, la femme d’Othon. Elle a une liaison secrète avec l’Empereur Néron. » À l’appel du nom des personnages qu’ils interprètent, les neuf danseurs s’avancent dans leurs pourpoints ou dans leurs robes longues et ornements.
Après cet exercice de simplification de la trame narrative, le bal des intrigues débute. Le carnet de Poppée est encombré entre Néron et Othon. Amour, haine, trahisons, pouvoir, les sentiments humains sont magistralement interprétés et dansés par la compagnie Gauthier Dance laquelle a reçu le Prix allemand de la danse en 2011. Le point fort de cette création au-delà de l’esthétisme des gestes obéissant à une mécanique précise et sans transition se développant dans une grande souplesse, c’est bien évidemment la qualité individuelle et collective de la troupe des danseurs.
La recherche musicale évidente mais parfois trop présente oscille entre la musique baroque de Monteverdi et la musique contemporaine de Martin Donner, telle une césure temporelle. Des moments de silence auraient peut-être pu être plus nombreux compte tenu de l’expression forte des solos, duos et tableaux collectifs. L’usage systématique de la vidéo lors des scènes de mise à mort convainc assez peu. Le décor minimaliste quant à lui valorise les costumes d’époque d’Emma Ryott.
Travail d’acteur et de danseur, Néron, grimé par Eric Gauthier est superbe. Certains se souviennent de la première de M.M § More coproduite par le Théâtre de Stuttgart et le Grand théâtre de Luxembourg présentée en novembre 2009 avec Egon Madsen et Eric Gauthier. Danseur étoile virtuose, pétillant, charismatique, Eric Gauthier a une énergie drôle et débordante. Il virevolte avec un grain de folie… Poppée est magnifiée par Garazi Perez Oloriz laquelle incarne avec précision et sans caricature la complexité du personnage, la détermination de la femme – guerrière assoiffée de pouvoir mais aussi séductrice et rusée.
Solos, duos, tableaux de groupes, la pièce est très équilibrée. Poppée, au cœur de la création, évolue souvent en duo avec Néron ou Othon ou seule au milieu de trois danseurs qui n’ont de cesse de la porter, la soulever. Les étirements, déchirements, tiraillements du corps ne sont que les reflets des âmes dans cette fresque.
Bilan : un couple, quatre morts violentes.