The Congress

This show must not go on

d'Lëtzebuerger Land du 05.07.2013

C’est un monologue d’une terrible cruauté. Les intonations sont douces, presque paternalistes, mais la substance est toxique et fait peu à peu s’effondrer la grande Robin Wright. Elle, si belle, si forte, se fane en gros plan. C’est son agent (Harvey Keitel) qui la met en garde. C’est une actrice fatiguée, que la fragilité de son fils a éloignée des plateaux de cinéma. La Miramount, gigantesque studio, a trouvé la parade et propose à la comédienne un contrat qui se démocratise : le scanner. Ainsi elle pourra continuer à apparaître dans des films sans avoir besoin de travailler. Sans avoir besoin d’accepter non plus. Robin Wright s’éclipse du monde cinématographique alors que son double numérique enchaîne les productions les plus invraisemblables.

The Congress, cinq ans après Waltz with Bachir, fascinant documentaire d’animation, était présenté ce mardi au Luxembourg en présence de son réalisateur Ari Folman et des coproducteurs nationaux Paul Thiltges et David Grumbach. Et, tout comme à Cannes où il avait enchanté la Quinzaine des réalisateurs, le film n’a pas laissé indifférent.

Dans la forme, d’abord, cette « belle proposition de cinéma », dont parlait quelques minutes avant la projection David Grumbach, détonne. Car The Congress mêle à la fois prises de vues réelles et animation. La première partie, lente et reposant en grande partie sur les émotions de l’actrice, installe les bases psychologiques du récit. Tout se délite autour de Robin Wright et la séquence du scan n’est rien d’autre que sa mort annoncée. En la manipulant verbalement, on lui prend tout : sa désinvolture, sa joie, ses angoisses. Vingt ans plus tard, c’est donc le congrès futuriste du studio. Zone réservée à l’animation, martèle le gardien. L’actrice, où plutôt son dessin animé, pénètre dans un monde où la surenchère de couleurs se dispute à la fantaisie inquiétante des autres invités. Ça grouille d’excitation, de béatitude forcée. Les personnages, animés grâce à la technique archaïque de la rotoscopie, se sont transformés au gré de leurs envies, mais c’est un paradis où l’artificiel est monté à son paroxysme. Le postulat de départ, faire un portrait catastrophe de l’avenir du cinéma et de sa consommation, est une sorte de pendant énergique à la Société du spectacle de Debord. On savoure les dualités installées, cette petite musique de « Forever young » qui arrive au moment où on commençait presque à la fredonner. La nostalgie et le pessimisme de Folman passent par des trouvailles narratives intéressantes malgré leur complexité particulière et leur mise en scène très criarde, comme cette idée de capsule contenant le métabolisme de la star, disponible pour tous. On perd parfois le fil des intentions du cinéaste, mais jamais l’intérêt ne faiblit, ni la présence exceptionnelle de Robin Wright, qui représente alors le passé, le présent et le futur de l’industrie du rêve.

Belle proposition de cinéma en effet que nous fait l’israélien Ari Folman en adaptant le roman de science fiction de Stanislas Lem (également auteur de Solaris, adapté à la fois par Andrei Tarkovsky et Steven Soderbergh). Le film n’a de cesse de se mettre en abyme lui-même et incite le spectateur à en faire de même, posant à la fois la question de la création mais bien aussi de la réception d’une œuvre. Outre une technique visuelle admirable, The Congress gagne en valeur ajoutée grâce à l’incarnation parfaite de Robin Wright, bouleversante même en personnage animé.

Marylène Andrin
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