Pour un nouveau modèle de société, le regain d’une réelle qualité de vie, une autre approche que la seule logique de croissance. Blanche Weber, la présidente du Mouvement écologique voulait encore y croire lorsqu’elle implorait, lors d’une conférence de presse mardi, les responsables communaux de prendre au sérieux leurs responsabilités. « Les communes constituent les fondements pour de nouvelles structures de la société, souligne-t-elle. Les temps sont révolus, lorsqu’il s’agissait juste de gérer et d’administrer. Maintenant, elles doivent avoir une vision, une volonté créatrice. » C’est pourquoi l’organisation environnementale a élaboré un catalogue de propositions de 144 pages, a créé une page internet spéciale (www.gemengewalen.lu) où seront notamment publiés des exemples de best practice, des initiatives recommandables prises par des communes, dont peuvent s’inspirer les autres.
Le plus dur, ce sera de changer l’attitude paternaliste de certains élus locaux qui estiment qu’une fois appelés à gérer les affaires de la commune, ils sont automatiquement habilités à le faire en toute discrétion, quasiment en autogestion, sans se soucier de ce qu’en pensent les autres. Donnant fatalement l’impression de dissimuler les choses, de prendre des décisions dans leur propre intérêt ou même de favoriser leurs proches. Le problème de la communication défaillante mine la confiance de la population dans les personnes qu’elle a appelées à gérer leurs intérêts, que ce soit au niveau local ou national. Et c’est sans doute une des raisons pour lesquelles le projet Nordstad – réunissant Diekirch, Ettelbruck, Bettendorf, Erpeldange, Schieren et Colmar-Berg – se trouve toujours dans une espèce d’état végétatif, sans véritable assise au sein de la population.
Dans ce contexte, le fait que le développement du projet Nordstad ne figurera sans doute pas dans le top ten des arguments de campagne des partis politiques dans la région ne surprendra guère. Jusqu’ici, ils n’ont présenté que les grandes lignes de leurs campagnes au niveau national. C’est grosso modo la même chose pour tous : plus de qualité de vie dans les communes, davantage de participation pour la population, une meilleure intégration des étrangers et plus de capacités d’accueil pour les enfants dont les parents travaillent à plein temps etc. Les priorités adaptées aux composantes locales suivront, déjà qu’il aura fallu trouver les candidats nécessaires pour remplir les listes. Pour la région de la Nordstad, cela a été le cas pour les villes d’Ettelbruck et Diekirch, qui fonctionnent selon le scrutin de liste avec représentation proportionnelle. Les autres communes (Bettendorf, Erpeldange, Schieren et Colmar-Berg) – qui ont moins de 3 000 habitants – appliquent le système de la majorité relative.
La constellation CSV-Déi Gréng, qui gère les affaires de Diekirch, a été la solution trouvée après les élections de 2009, où le parti socialiste avait en fait remporté les élections. Du point de vue arithmétique, le député LSAP Claude Haagen aurait dû continuer sa fonction de bourgmestre – il avait jusque-là formé une coalition avec le parti libéral. Suite à la progression des Verts, ceux-ci ont préféré s’allier au CSV plutôt qu’aux socialistes. L’antipathie entre les deux têtes de liste – Claude Haagen et Frank Thillen (les Verts) – n’étant un secret pour personne, il sera intéressant de voir si la population pardonnera à l’échevin Thillen le fait de s’être associé au CSV plutôt que de s’être plié à la volonté des électeurs qui avaient préféré les socialistes. Du point de vue des thèmes de campagne, il y a bien sûr eu la mobilisation autour de la brasserie de Diekirch en 2010, qui a pris une dimension nationale lorsque le groupe belge AB-Inbev avait annoncé sa fermeture et la suppression d’emplois malgré des bénéfices. Il est prévu de transférer la production de bière vers la zone d’activité Fridhaff. Plus récemment, il y a eu la discussion autour de la fermeture du guichet CFL. Somme toutes, la coalition actuelle a surtout continué les projets amorcés pendant la période LSAP-DP. Avec le handicap que la commune connaît d’importants problèmes financiers depuis des décennies. Pour venir à bout de tous les projets d’infrastructures comme la construction d’un complexe scolaire, la commune a emprunté 62 millions d’euros. L’opposition va sans doute thématiser ce trou dans les finances, mais pas outre mesure, car il avait été creusé lorsqu’ils étaient encore aux commandes des affaires communales. Les édiles planchent sur une dette de 59 millions d’euros d’ici la fin de l’année – 9 500 euros par personne. Pour le CSV, l’évolution de la situation financière n’est pas aussi mauvaise que ça. En 2006, un audit externe des comptes communaux avait prédit une dette de 74,5 millions d’euros, soit 12 000 euros par habitant.
Mais quand même, 59 millions d’euros, c’est énorme par rapport à l’ardoise de 11,2 millions – soit quelque 1 400 euros par habitant –, de la ville voisine, Ettelbruck. Elle vient de terminer la rénovation de la Däichhal, un hall multifonctionnel d’une capacité de 3 000 personnes, pour 5,7 millions d’euros – le projet de plus cher de cette coalition CSV-LSAP, sous le député-maire Jean-Paul Schaaf. Celui-ci le considère comme un des « bijoux de la ville », même s’il est situé loin du centre ville. D’autres projets sont en cours, dont la construction d’un parking sur deux étages avec 260 places et le projet de rénovation de l’ancien Monopol en collaboration avec des investisseurs privés sous forme de PPP – public private partnership.
Un des sujets de la campagne électorale sera sans doute le problème de sécurité dans le quartier de la gare. Le ministre de l’Intérieur Jean-Marie Halsdorf (CSV) avait même voulu prêter main forte à son collège de parti en lui suggérant d’y installer le système de vidéo-surveillance policière Visupol. Cette offre a finalement été déclinée. Car tout le quartier va changer d’aspect avec la construction d’une nouvelle gare dotée d’un passage routier souterrain. Ce remaniement est d’ailleurs un des projets phares du masterplan de la Nordstad, dont on attend les résultats de l’étude de la mobilité au courant de cette année-ci. Or, certains craignent déjà que les discussions vont une nouvelle fois se focaliser sur la ligne ferroviaire de 4,5 kilomètres entre Diekirch et Ettelbruck. Le projet d’abandon de cette ligne en 2007 avait provoqué la colère des habitants et le retrait quasi immédiat par l’ancien ministre des Transports Lucien Lux (LSAP) de ces plans.
Il s’agit donc avant tout d’infrastructures. Ce n’est rien d’exceptionnel pour le grand-duché, mais ici, tous ces projets doivent être lus en relation avec la Nordstad. C’est la raison pour laquelle le sujet Nordstad est quand même présent, même s’il tarde à être assimilé par la population. Car certains n’ont pas tort de chercher en vain la cohérence de certains projets avec le discours fédérateur des défenseurs de l’idée. Un exemple éclatant est l’implantation du lycée technique agricole sur les hauteurs vertes de Gilsdorf. Cet exemple montre les contradictions avec les principes de l’Aménagement du territoire qui peine à se donner des instruments permettant de diriger l’évolution dans un sens de développement harmonieux des agglomérations. Ainsi, les communes de la Nordstad qui ont été « classées comme prioritaires par l’avant-projet du Plan sectoriel Logement ou l’IVL, la superficie de terrains disponibles rapidement est inférieure à la moyenne », écrit l’Observatoire de l’Habitat dans une étude récente1. Ainsi, les villes de la Nordstad n’ont pas augmenté leur population au même rythme que les communes satellites, où les terrains constructibles sont plus vastes et les prix moins élevés.
Erpeldange a d’ailleurs annoncé la semaine dernière la construction de 640 nouvelles unités de logement sur 18 hectares au centre du village. C’est la réalisation d’un des projets les plus importants et le bourgmestre Francis Dahm doit s’attendre à une certaine résistance de la part de la population qui va plus que doubler. Il prend donc des risques, à quelques mois de l’échéance où l’on s’attend à un duel entre le bourgmestre et le député libéral André Bauler, qui a d’ailleurs aussi voté en faveur du projet.
À Schieren, la situation s’est envenimée suite à de graves accusations de corruption et de prise illégale d’intérêt lancées à l’encontre du bourgmestre Marc Schmitz et d’une échevine dans le cadre d’autorisations de construire qu’il avait accordées. Des tracts ont été distribués et des lettres anonymes ont été envoyées. Une action de démontage et de revanchisme, selon le maire, qui souhaite clore le dossier. L’électeur tranchera au mois d’octobre.
Quant au député-maire de Colmar-Berg Fernand Diederich (LSAP), il a annoncé qu’il allait jeter l’éponge. Il a dû s’incliner devant le vote majoritaire du conseil communal, qui a opté en faveur de l’implantation de l’Agrarcenter, du centre agricole, sur son territoire. Fernand Diederich est un des derniers dinosaures de la politique locale de la région. Il a été le bourgmestre de Colmar-Berg depuis 1994 et a fait partie du conseil communal depuis 1982.