Le LSAP a un problème : lors des législatives de 2009, son électorat était un des plus vieux du spectre politique, selon les premiers résultats de l’étude Élect de l’Université du Luxembourg, présentés lundi. Et ses candidats ont vieilli, en moyenne de 2,3 ans depuis les élections précédentes, de 2004 ; plus de la moitié des candidats se présentaient pour la deuxième fois. Ce qui fit dire à son président Alex Bodry vis-à-vis du Tageblatt (du 15 janvier) qu’il lui fallait élargir sa palette de sujets pour toucher davantage les jeunes électeurs. « L’image d’un parti dépend aussi en grande partie des (jeunes) gens qui le constituent, constate pourtant Christophe Schiltz, président des Stater Sozialisten, 32 ans. Or, je considère que de ce côté-là, il y a du travail à faire, car je ne vois aucune stratégie de ce genre au LSAP. »
Christophe Schiltz sait de quoi il parle : militant étudiant lors de ses années lycées, lors des grèves pour le transport gratuit et une meilleure participation politique au sein des écoles dans les années 1990, puis dans le comité de l’Acel (association des cercles d’étudiants) lors de ses années fac en droit à Bruxelles et en sciences politiques au Collège de Bruges, il a rejoint les Jeunesses socialistes dès sa sortie de fac pour ensuite gravir les échelons internes au parti, dont il est désormais aussi membre du comité directeur. « Oui, concède-t-il, un parti est une structure lourde, dans laquelle un jeune doit aussi faire ses preuves. Mais si on veut changer quelque chose dans la société, la politique reste le meilleur moyen pour le faire – beaucoup plus qu’un engagement associatif ou dans les ONGs par exemple. » Mais entre militant de base d’un grand parti, même très engagé, et une place si convoitée sur une liste électorale, surtout pour les législatives, le chemin est semé d’embûches. Toutefois, les jeunes du LSAP avaient fait de bons scores en 2009, comme Taina Bofferding, présidente des Jeunesses socialistes, qui s’est classée dans la première partie du peloton sur la liste du Sud. Et avec Ben Scheuer, fils de l’ancien député-maire Jos Scheuer, alors 29 ans (et au parti depuis un an seulement) il comptait alors même le plus jeune député dans ses rangs. « Mais au Luxembourg, les électeurs ont de plus en plus recours au panachage et votent sur plusieurs listes pour différents candidats, rappelle Christophe Schiltz. Alors il faut se faire un nom. Avoir une assise locale, par exemple par le biais d’une candidature aux communales, peut être un bon point de départ. »
À Luxembourg-ville, le rajeunissement du parti se fera cette année par la force des choses : le LSAP avait pu y sauver quatre sièges au conseil communal aux élections de 2005, un de moins qu’en 1999 encore, et ne compte plus que 16,22 pour cent des suffrages. Dans les années 1960 pourtant, le parti y atteignait 37 pour cent. En 2005, il souffrait surtout d’avoir perdu quelques-unes de ces principales stars politiques comme Mady Delvaux et Jeannot Krecké, devenus ministres un an plus tôt, ou Robert Goebbels, élu en 1999, qui choisit de se consacrer entièrement à son mandat européen. Martine Reicherts et Marc Angel, en tant que « portes-paroles » menaient une liste partiellement renouvelée, sur laquelle quelques jeunes devaient afficher le renouveau du parti. La figure de proue de ce rajeunissement, Sophie Delvaux, obtint un excellent score et se classa troisième sur la liste, mais elle fut emportée par un cancer quelques semaines plus tard. Le LSAP se retrouva donc avec quatre hommes d’un âge certain – Ben Fayot, Marc Angel (alors âgé de 42 ans), René Kollwelter et Armand Drews – au Knuedler. Et de ces quatre, deux viennent d’annoncer qu’ils ne se représenteront plus, à savoir Ben Fayot, qui, à 73 ans, estime qu’il est temps de passer la main aux jeunes et le conseiller d’État René Kollewelter, qui, annonce dans Le Quotidien (du 15 janvier) qu’il « en a marre de tout ça ».
« Ce que nous voulons réussir dans la capitale, raconte Christophe Schiltz, c’est de construire quelque chose dans la continuité. » Objectif : retrouver les bancs du conseil échevinal. Peut-être pas à court, mais au moins à moyen terme. La nouvelle génération des trentenaires, fonctionnaires dans des ministères socialistes, comme lui auprès de Nicolas Schmit dans celui de l’Immigration et du Travail et Luc Decker chez Jeannot Krecké à l’Économie, ou dans les structures du parti, comme Christian Ginter, secrétaire parlementaire, ou Claude Trémont, coordinateur parlementaire, sont dans les starting blocks. Les Stater Sozialisten ont pris les devants en annonçant le nom de leur tête de liste, Marc Angel, la semaine dernière – et ce bien que la liste complète pour le 9 octobre ne soit définitivement adoptée et publiée que d’ici deux mois au plus tôt. « Notre jeune équipe sera là pour soutenir Marc Angel dans cette campagne électorale. Il n’est pas seul, » estime encore Christophe Schiltz.
En attendant, lui comme ses pairs essaient de se positionner sur des sujets qui polarisent, sur lesquels les socialistes ont pu trouver l’adhésion des citoyens, comme Taina Bofferding, engagée auprès de AHA, une nouvelle association d’athées et d’agnostiques qui militent entre autres pour la séparation entre l’État et l’Église, ou Christophe Schiltz, président de l’association pour le droit de mourir dans la dignité, qui a le soutien des pro-euthanasie. En costume-cravatte ou en deux-pièces, ces « jeunes loups » pleins d’ambitions, qui visent sans fausse modestie des postes à responsabilité, ont des stratégies claires – et foncent. Face à une classe politique vieillissante (à l’image de la population), ils pourraient incarner le renouveau – Christophe Schiltz et consorts ont moins de la moitié de l’âge d’un Paul Helminger, le maire DP qui, à 71 ans, vient de confirmer qu’il est candidat à sa succession.