Les statisticiens, les économistes et les politiques nous disent que nous venons d'entrer dans une période de vaches maigres, qu'il va falloir faire des sacrifices, se serrer la ceinture. On ne peut pas l'affirmer avec certitude, mais il se pourrait qu'il y ait une corrélation entre la situation socio-politique et la musique pop-rock qui se produit au Luxembourg - auquel cas l'emploi de guitares et du rock pur et dur serait inversement proportionnel à la prospérité ambiante. Certes, il ne s'agit ici que d'une hypothèse de travail, dont le temps prouvera peut-être qu'elle fut hasardeuse, toujours est-il que le rock est actuellement la discipline artistique la plus vigoureuse, la plus inventive et la plus créative au Luxembourg. Et si on dit «rock», il ne s'agit pas de copies mielleuses aux mélodies rabâchées, mais bien de rock à guitares. Plein de guitares qui expérimentent des mélodies et, à l'extrême opposé, des déluges de riffs à la limite bruitistes. En exemple : Myein, jeune formation datant de 2002, qui a décroché un deuxième prix lors du concours Emergenza 2003 et vient de sortir un CD cinq titres intitulé Silly?. Sur scène, ils sont cinq, basse, batterie, deux voire trois guitares et un chanteur. Rien que du fait main, surtout pas de sons synthétiques ou électroniques. Et ils font hurler leurs guitares comme pour faire un pied de nez au post-rock et autres électronica, qui ont l'air bien pâles à côté. Mais ils sont aussi à même de jouer de belles balades comme la chanson éponyme Silly - sur laquelle, soit dit en passant, la voix douce de Claudine Muno assure les backing vocals. Myein font partie de cette génération qui a grandi avec le grunge de Nirvana, avec les Guns'n'Roses, Soundgarden, Rage against the machine ou Queens of the stone age, tout un pan du rock enragé des années 1990 - et leur musique s'en ressent forcément. Les textes écrits par Andrea Fiorucci (guitares) et Serge Santos (guitares, chant) embrassent la vie, parlent d'amour, de la quête de la vérité - le terme «myein» en grec ancien désigne cette quête spirituelle, intérieure, presque mystique. Mais ils cherchent la liberté aussi, se rebellent contre le carcan qui les enferme : «Let me climb into the window / let me climb to see / what's going on out there» (Let me climb). Néanmoins, leur rage, leur envie de vivre est profondément optimiste : pas de désir de mort ici, pas d'envie de tout casser, plutôt une grande curiosité pour les choses à venir : «I still wonder if there's something more / If I just had a part of the whole until now / Is life a drug, yeah, life's a drug,» chante Serge Santos dans Some Times, titre dont il a aussi écrit le texte. Le plus étonnant, c'est que Silly?, bien que ce ne soit que le premier CD du groupe - autoproduit, ce qui reste le sort de la majorité des CDs au Luxembourg, faute de labels commerciaux -, est remarquablement bien construit, que les chansons sont pensées du début à la fin en termes de mélodies, de consonances et de dissonances, souvent elliptiques, parfois enragées, d'autres fois à la limite du romantique. Mais le mieux reste néanmoins toujours de les voir en live, les dizaines de dates ces dernières deux années ont contribué à leur procurer une grande aisance sur scène. Et ils s'adonnent à coeur joie à faire danser les cordes. Vous sortirez de leur concert avec une pêche d'enfer.
Le CD cinq titres Silly? de Myein, autoproduit mais diffusé par Gum plugged est en vente partout; pour plus d'informations: www.myein.lu; contact: plugged@gum.lu. Prochain concert: le 4 juillet au festival Rock um Knuedler.