Nick Cave a un frère, il est Luxembourgeois et s'appelle Mack Murphy. L'équivalent des «Bad Seeds» seraient alors les «Inmates». Mack serait un cousin germain de Leonard Cohen et de Tom Waits aussi, natif du quartier des Joy Division, New Model Army et autres Sisters of Mercy... Le projet Mack Murphy [&] the Inmates s'inscrit clairement dans l'histoire de la musique rock, à l'ombre des légendes. Le premier CD, ironiquement intitulé The Early Years - comme pour contribuer à la création du mythe du groupe dès ses premiers pas -, disque qui vient de sortir en début d'année, affiche fièrement ces filiations. Et, sans vraiment inventer grand chose de nouveau, leur rend hommage en s'inscrivant humblement dans la tradition.
Mack Murphy n'est autre que Jérôme Reuter, acteur de théâtre qui a fait ses premiers pas dans la troupe eschoise Namasté, auteur de poèmes et surtout musicien et singer-songwriter ayant fait l'école du punk (Skinflicks) ou du ska (Toxkäpp) et produit un CD solo sous le nom de Reggie Fain (Another Gunstreet Serenade). Cette nouvelle formation, bien qu'il en soit indubitablement le frontman et le moteur - auteur et compositeur des chansons, chanteur avec sa voix grave d'une belle présence -, vit néanmoins de l'esprit «bande de copains» du groupe. Avec les backing vocals affirmés d'une chorale de basses genre matelots, leur murder ballads seraient en quelque sorte le contrepoids masculin des chansons funèbres de Claudine Muno et son accompagnement tout en douceur de Sandra Cifani.
«Nous sommes tous de très bons copains, l'esprit qui règne dans ce groupe est quelque chose d'extraordinaire, explique Mack Murphy. Nous avions envie de vivre pleinement nos influences musicales, celles qui nous ont marqués dans notre évolution.» Le nom, Mack Murphy [&] the Inmates, outre que c'est là encore un hommage aux prédécesseurs, est une citation d'une de leurs premières collaborations: Jérôme Reuter ayant joué en 1998 le rôle de R.P. McMurphy dans la production One flew over the cuckoo's nest de Namasté, certains de ses collègues y ayant incarné des internés, des «inmates». Pour des raisons e.a. pratiques - Mack étant actuellement étudiant à Londres - le groupe a fait le choix de commencer par l'enregistrement d'un disque (réalisé l'année dernière par Patrick Damiani au Tidal Wave Recordings Studio à Karlsruhe) pour enchaîner ensuite seulement avec le live.
À écouter l'album, on se retrouve vite dans une atmosphère de bars enfumés, pourquoi pas durant les années de la prohibition américaine des années 1920, 1930, parmi la petite pègre, les putes et autres filles aguichantes et désirées en dentelles - la pochette du disque se situe elle aussi dans cette esthétique. Mackie Messer semble nous faire son clin d'oeil derrière chaque chanson. La grande qualité du disque est de jouer consciemment avec ses références et miser sur la qualité des musiciens. Ainsi, la présence des guitares de Pat, l'énigmatique leader des Toxkäpp, mais aussi des keyboards de Rupert, de la batterie de Yann et de la basse de Tom, selon leurs dosages, définissent la couleur, l'ambiance de chaque chanson : plus mélancolique, plus dynamique, plus de beuverie ou plus proche du suicide par alcoolémie. En tout cas épicuriens jusqu'à la fin de cette vie absurde...
Encore une fois, The Early Years n'est pas un disque révolutionnaire. Mais c'est un hommage très achevé aux grands maîtres, à leurs dieux à eux. Pour l'auditeur, c'est un vrai plaisir d'écoute, de belles ballades qui se suivent et ne se ressemblent pas créent un univers très dense. Ne manque que le verre de whisky et un bar enfumé. On attend les concerts avec impatience.
Mack Murphy [&] the Inmates: The Early Years, CD douze titres, en vente chez les disquaires; contact par e-mail: mack.murphy@gmx.net.