« On était la nuit du 3 au 4 juin 2005. Éclairs, tonnerre, torrents d’eau… », note Paul Bertemes en ouverture du catalogue publié à l’occasion de cette rétrospective de Jeannot Bewing. Pour préciser aussitôt que c’est justement une nuit pareille qui convenait à notre artiste. Voilà dix ans déjà qu’il est mort. Grand temps de ne plus faire durer ce que pour les écrivains, pourquoi pas pour d’autres, on appelle le purgatoire. À Tétange, on s’emploie à l’en sortir. Tétange, immédiatement vient à l’esprit le nom d’un autre artiste, lui y a vécu, travaillé, homme de la sidérurgie comme Jeannot Bewing, Emile Kirscht, décédé en octobre 1994, plus de vingt ans déjà. Et personne n’a encore bougé au Marché-aux-poissons.
Retour à la Schungfabrik Tétange, et même si le lieu n’est pas fait pour accueillir une exposition de sculptures, une exposition quelconque, il faut saluer l’initiative. Et le déploiement de toutes ces œuvres, sculptures de petite ou moyenne taille, stèles plus grandes, et puis le visiteur verra où se rendre pour découvrir telles œuvres monumentales, à Bonnevoie, au Limpertsberg, au Kirchberg, à Dudelange, et à son entrée dans la commune, à Kayl plus exactement, au milieu du carrefour giratoire, il aura eu un premier exemple de la manière et de l’art de Jeannot Bewing, à une hauteur peu habituelle.
On voit en lui l’homme du fer, de l’acier. C’est méconnaître ses débuts où il travaillait le bois, la pierre. Il y a du vrai quand même dans cette façon de le qualifier, de même qu’on ne s’attardera pas trop à ses quelques années plus géométrisantes. Ce n’était pas là son naturel, et son travail allait l’orienter différemment, définitivement. Jeannot Bewing, c’était le métallo, au milieu de la ferraille ; il y trouvait le matériau qui, si lui-même l’anoblissait, lui permettait de même d’accéder à un autre statut.
Et les deux, artiste et matériau, tout se passe comme s’ils avaient été d’emblée de la même facture, d’une franche rudesse sans doute, mais il y entrait aussi beaucoup d’affection. Et à regarder tant des sculptures, dans l’assemblage des parties, dans la manipulation des formes, dirai-je leur triturage, on conviendra qu’il existait une grande et belle complicité, de sorte que jamais il ne semble qu’il ait fallu faire violence, non, le matériau se soumettait volontiers, quasi voluptueusement.
L’exposition comporte d’autre part bon nombre de dessins, ils accompagnent les sculptures, ont leur existence propre, peut-être qu’ils ont fonctionné un peu à la manière de laboratoire. Et telles sculptures après, de façon inverse, s’inscrivent à leur tour dans un cadre, donnant donc du relief (aux dessins). Il est des sculptures qui en imposent par leur force, des formes fortes, d’autres ont un caractère élancé, d’aucunes en deviennent proprement filigranes. Éventail très large, depuis ces deux pièces, sans date, mais tout porte à croire qu’elles remontent bien loin, comme des objets trouvés, à peine reprises, mais pour aboutir à quelle efficacité.