Pour le 85e anniversaire d’Emile Hemmen, et en collaboration avec le poète lui-même, MediArt a édité un livre très complet sur l’homme, sa vie, et une partie de son travail (sa poésie, c’est-à-dire, en gros, les textes publiés après 1981).
Livre très complet parce qu’il comporte, outre une sélection de poèmes d’une bonne quinzaine de recueils (parmi lesquels plusieurs furent réalisés en collaboration avec des artistes luxembourgeois, dont une partie du travail est reproduit dans le livre, comme J’écoute tes yeux, avec des sérigraphies d’Henry Kraus, Au dire de l’arbre, avec des sérigraphies de Raymond Weiland, ou encore Même souffle pour deux voix, avec les très belles gravures de Marc Frising), plusieurs hommages, sous forme de présentations de l’homme et de son œuvre, par Nic Klecker et Janine Goedert, en ce qui concerne la vie d’Emile Hemmen, son travail au Centre de réadaptation de Capellen, sa générosité, son dévouement, par Frank Wilhelm pour le côté francophone de son travail d’écrivain, et Paul Bertemes pour le côté germanophone.
Mais ce n’est pas tout : après une bibliographie très développée, ajoutant ses collaborations dans différentes revues de par le monde, et un certain nombre d’extraits d’articles critiques parus au fil des années et des publications (et étrangement on a une impression de déjà-vu en lisant les articles de Frank Wilhelm : les mêmes mots se trouvent dans son hommage en début de livre), il y a également un entretien – « en guise de biographie » – d’Emile Hemmen avec le poète breton Alain Jégou (entretien qui figure, bizarrement, au début et à la fin du livre), sur la vie mouvementée du premier.
Et en effet, vie mouvementée il y eut : Emile Hemmen, né en 1923, fut enrôlé de force dans la Wehrmacht. Profitant d’une permission, il déserte et rejoint la résistance. Dans l’entretien, il décrit brièvement ces années horribles. Mais il y a aussi des entreprises plus heureuses : la création de la revue culturelle et littéraire Estuaires, avec Nic Klecker, en 1986. Puis surgit la question de la langue littéraire, inévitable chez Emile Hemmen : il écrit ses premiers poèmes, fébriles, graves, lyriques, en luxembourgeois, à partir de 1943. Il changera assez vite vers l’allemand : il publiera des nouvelles, un roman, Die Wahl, repris en 2000 aux éditions Rapidpress. Puis, à partir des années 1960, il se sent de plus en plus à l’aise dans la langue française, « un territoire littéraire, mental et intellectuel irremplaçable ». Depuis 1981, Emile Hemmen publie en français.
S’il se trouvait encore des gens ignorant tout du travail de ce poète luxembourgeois, ce livre-hommage serait une occasion excellente de découvrir certains de ses plus beaux écrits, comme les longues stèles que sont les poèmes au langage dépouillé de L’Arbre chauve, ou encore les rythmes plus effrénés de sa poésie dans Tambours. Dommage que les textes choisis pour ce livre soient exclusivement des poèmes. On aurait aimé y retrouver des extraits de ses nouvelles, de sa prose, des années d’après-guerre.
Et peut-être serait-il temps, comme le dit aussi Frank Wilhelm, qu’un prix littéraire vienne couronner l’œuvre très variée d’Emile Hemmen. À défaut de cela, un livre comme Emile Hemmen. Poète peut déjà être considéré comme une sorte de couronnement.
Emile Hemmen. Poète ; MediArt, novembre 2008, 240p. ; ISBN 978-2-9599749-7-7