C’est de trois nécessités, apparemment, qu’est née, dans ce pays qui a une certaine tradition de la revue littéraire et culturelle (Nos cahiers, Les Cahiers luxembourgeois, etc.), la nouvelle revue littéraire, Transkrit, dont le comité de rédaction est composé surtout d’auteurs de chez Phi : Jean Portante (directeur littéraire), Serge Basso (directeur de production), Lambert Schlechter, Alexandra Fixmer, Nico Helminger, Pierre Joris, Corina Ciôcarlie, et de Jérôme Netgen (secrétaire de rédaction). Les éditions Phi en assurent la distribution, mais la Kulturfabrik d’Esch en est l’éditeur.
Trois nécessités donc : la première est de donner à notre petit pays un outil de débat, d’analyse, de (re)découverte de certains auteurs, textes, littératures, nous dit-on dans l’éditorial. Ce n’est pas faux. Redécouverte il y a, car ce premier numéro de Transkrit publie des poèmes, des traductions de textes de Trakl, ainsi qu’une petite pièce assez loufoque, tous des inédits, d’« Edmond, notre grand Dune », comme dit José Ensch dans une lettre également reproduite dans la revue. Tout ça, c’est vraiment très bien. Si maintenant la revue permettait encore à de nouvelles voix de s’exprimer (toujours dans le plus grand souci de qualité, ce qui n’est pas une évidence au Luxembourg, il faut le reconnaître), ce serait encore mieux. Soit. Analyse et débat il y a moins (hormis les présentations des auteurs et artistes publiés, toutes – sauf une – écrites par Jean Portante), mais il est tout à fait imaginable que dans les numéros suivants l’on remédie à ce problème. Seulement, c’est du déjà-vu de dire qu’il s’agit de « cimenter un débat littéraire quasi inexistant », alors que ce débat existe, si ce n’est que les conclusions dudit débat ne sont peut-être pas toujours celles qu’on avait espérées.
Deuxième nécessité : s’ouvrir sur le monde. Ce n’est sûrement pas faux non plus. Il est toujours intéressant de faire découvrir le travail d’auteurs connus ou méconnus à un public d’inhabitués. Il est important, pour des écrivains, essayistes et philosophes luxembourgeois de livrer des réflexions et méditations sur ce qui se fait ailleurs. S’il n’est sûrement pas nécessaire de re-recenser les mêmes livres que le Monde et autres ont déjà recensés, le « faire découvrir », surtout à travers un autre point de vue que celui du critique littéraire, est toujours possible : ainsi le petit compte rendu de Corina Ciôcarlie sur le très beau livre L’Exposition de Nathalie Léger, paru chez P.O.L.
Troisième nécessité : la fonction de médiateur culturel et littéraire. En fait il s’agit à nouveau d’un travail de (re)découverte. Transkrit propose de publier, en version bilingue, des textes de poètes allemands traduits en français (ici Volker Braun), et vice-versa (ici Bernard Noël), mais également des textes de « figures de la littérature mondiale » (Juan Gelman, dont des traductions de Jean Portante ont été publiées chez Phi). Et peut-être qu’en effet la revue peut jouer ce rôle de plateforme qui permet le regard croisé entre deux poésies, mais pour cela, elle devra surtout être lue et connue au-delà de nos frontières (bonjour le travail de Sisyphe !). C’est là que le bras long d’un Jean Portante (ou d’un Nico Helminger) peut servir. Peut-être qu’il sera possible de capter, un tant soit peu, l’attention de nos grands voisins. Pour cette raison, il n’est en tout cas pas inutile que les trois auteurs publiés dans le premier numéro de Transkrit jouissent d’une assez grande renommée internationale. Noble mission donc, en somme, de pourvoir à ces trois (plus ou moins grandes) nécessités.
Mais bizarrement, vu l’expérience que nombre des personnalités du comité de rédaction ont dans le domaine, beaucoup de petites inadvertances se sont glissées dans la réalisation finale de la revue : fautes d’orthographe et typographiques, confusion quant à l’espace après et avant les deux-points et les barres obliques, et, surtout, une très grande confusion quant aux majuscules et minuscules dans les titres d’ouvrages indiqués en bibliographie. Si, bien évidemment, chaque éditeur a le droit de ne pas suivre les normes habituelles, il faudrait néanmoins qu’il se décide pour une seule façon, uniformisée, de noter les choses.
Et vu le comité de rédaction de Transkrit, et vu l’existence d’autres revues culturelles publiées par d’autres groupe de presse (mais ici, il faut préciser encore une fois que Phi, et donc Editpress, ne s’occupe que de la diffusion de l’ouvrage, non pas de la publication) l’on pourrait croire à une espèce de guerre des clans. Espérons que ce n’est pas le cas et que l’ouverture (d’esprit, etc.) et la diversité sont à l’ordre du jour dans Transkrit.
Transkrit : 01 ; Centre culturel Kulturfabrik, mars 2009, 152 pages ; ISSN : 2073-0829 ; 12 euros ; abonnement : 30 euros pour trois numéros.