C’est assez rare que cela arrive depuis que le système de pétitions a été lancé auprès de la Chambre des députés en 2014. Un deuxième débat public s’est tenu sur un même sujet : la protection du patrimoine bâti. Non content du résultat du premier débat en 2020, le groupe informel « Luxembourg under destruction » avait relancé une pétition à la fin de l’année dernière. Le groupe, bien implanté et bon lobbyiste, avait rassemblé 5 300 signataires il y a deux ans et à nouveau 4 800 cette fois. L’objet de la pétition est à peu près le même : « Tout bâtiment construit avant 1957 devrait être automatiquement protégé, sa démolition partielle ou totale autorisée seulement dans des cas exceptionnels et dûment motivés. Le changement d’affectation d’immeubles qui ne servent plus leur fonction initiale devrait être facilité. » La date de 1957 est une sorte de clin d’œil, vu que deux ans se sont écoulés depuis la dernière pétition qui, elle, tablait sur 1955. « La date exacte n’est pas si importante, il y a matière à discussion », estime Peter Kleijnenburg, un des pétitionnaires. Pour ce groupe, il ne s’agit pas de conserver par principe tous les bâtiments construits avant 1957, mais de renverser la charge de la preuve. L’idée d’une date buttoir a déjà été retoquée par le Conseil d’État arguant d’une insécurité juridique, liée à l’incertitude de certaines dates de construction.
Ce mercredi, le débat à la Chambre a commencé par une vidéo de trois minutes montrant une litanie interminable de maisons récemment détruites qui illustrent, selon les pétitionnaires, l’inefficacité de la loi sur la protection des monuments historiques entrée en vigueur au début 2022. Ce n’est sans doute pas un hasard si la ministre de la Culture, Sam Tanson (Déi Gréng), avait choisi la mardi, la veille du débat, pour présenter le bilan de la première année d’application de cette loi. Elle a fait état de 2 197 objets qui bénéficient d’une protection nationale. Depuis début 2019, 731 bâtiments se sont ajoutés à la liste, dont 355 depuis mars 2022 et la nouvelle loi. La présentation mettait aussi en évidence les 19 840 immeubles répartis sur 84 communes qui bénéficient d’une protection communale à travers les Plans d’aménagement généraux. « À quoi bon protéger 700 bâtiments supplémentaires si, dans le même temps, 500 autres sont démolis », tance Peter Kleijnenburg.
La nouvelle loi sur les monuments historiques mise sur un inventaire général de tous les bâtiments dignes de protection, réalisé par l’Institut national pour le patrimoine national (INPA). Une procédure trop lourde et trop longue selon les pétitionnaires. « Pendant l’inventaire, qui prendra encore dix ans, les destructions continuent », fustige Karin Waringo. Car l’inventaire suppose l’expertise de tous les bâtiments sur place et une analyse scientifique avant un classement. Aujourd’hui, le travail est finalisé pour seulement quelques communes, Helperknapp, Lintgen, Lorentzweiler, Kehlen et Mersch, et est en cours pour quelques autres, Remich, Colmar-Berg, Useldange et Frisange.
« L’actuelle politique de densification se fait bien souvent au détriment du bâti ancien. Il faudrait mieux rénover et changer d’affectation plutôt que de détruire », considèrent les signataires de la pétitions. « L’obsession fanatique de l’efficacité énergétique » n’est pas non plus un argument recevable. « Qu’y a-t-il de durable dans une démolition suivie d’une nouvelle construction ? », interroge Karin Waringo.