« Le déplacement et la réinstallation de réfugiés afghans aux États-Unis et ailleurs est l’une des crises humanitaires les plus graves de notre temps. » Le patron de la plateforme de location immobilière californienne Airbnb dresse l’état des lieux après le retrait américain de l’Afghanistan et la prise de Kaboul par les talibans. Brian Chesky propose sur Twitter de loger « for free », 20 000 Afghans déplacés. Alors c’est formidable. Louons cette initiative Open Homes qui, depuis 2012, offre une solution temporaire aux personnes en détresse. Remercions aussi les propriétaires des appartements qui, le cas échéant, renoncent aux revenus locatifs. Constatons néanmoins que l’entreprise opérant en Europe via l’Irlande et le Luxembourg pose structurellement de graves problèmes de logement, les grandes villes reprochant à la plateforme de favoriser les locations touristiques aux locations de long terme, les premières étant bien plus rémunératrices.
Voici là le symptôme d’une maladie chronique révélé par le drame afghan : la faillite des politiques publiques et la nécessaire substitution des initiatives privées. L’Afghanistan n’est pas seulement le cimetière des empires. Il est aussi celui des démocraties occidentales. Les États-Unis ont certes magistralement merdé (pardon) dans leur ambition de construire une nation afghane (a-t-elle jamais été sincère et réaliste ?) et dans leur sortie du bourbier qu’ils ont largement remué, mais l’Union européenne n’en sort pas davantage grandie. L’accueil et l’exfiltration des réfugiés souffrent d’un manque d’ambition malsain voire de réticences plus ou moins affichées. Le dialogue patine et, ce jeudi, les portes de l’aéroport de Kaboul se ferment, abandonnant le peuple afghan aux affres de l’islamisme radical. La mise sous cloche talibane n’est pas sans rappeler Srebrenica. Immobilisés par un sentiment d’incapacité, on feint de ne pas savoir ce qui va se passer.
Bien sûr le gouvernement luxembourgeois ne se lancera pas dans une intervention militaire où l’armée rouge et les G.I. se sont cassés les dents au cours des quarante dernières années. On aurait néanmoins espéré un élan de solidarité plus ambitieux au pays (AAA) du « merde alors ». Le ministre de la Défense François Bausch (Déi Greng), qui est aussi celui des Transports, assure ne pas avoir fait de comm’ avec l’envoi sur site de l’A400M cofinancé par l’État et dont l’utilisation s’est finalement limitée au transport de matériel (un développement lié à la mutualisation des ressources entre plusieurs pays). Mais il aurait aussi pu tenter de mettre Cargolux sur le coup. En coopération avec le HCR ou le CICR, la compagnie de fret principalement capitalisée par l’État pourrait servir à l’établissement d’un pont aérien dans la région pour acheminer vivres et médicaments aux personnes déplacées. Interrogé sur ce point, le cabinet du ministre rétorque qu’il appartient à la société, officiellement privée, d’opérer si elle le souhaite dans le cadre de sa politique Corporate Social Responsibility. En mars 2020, Cargolux avait été réquisitionnée (moyennant rémunération bien sûr) pour subvenir aux besoins nationaux en matériel médical. Les cargos tamponnés du lion rouge avaient été utilisés à des fins de diplomatie sanitaire. Une telle initiative pour sauver des gens qui ne sont pas des électeurs aurait de la gueule. Elle arracherait en outre notre conscience de cette fatalité de l’impuissance et, peut-être, initierait une dynamique vertueuse pour sauver un peuple en danger.