Depuis quelques années, l’industrie des produits en tous genres pour prendre soin de son soi-même (le selfcare) a littéralement explosé, portée par de farouches stratégies marketing et par quelques influenceurs. Vous n’avez pas pu passer à côté de ces produits, autrefois vendus dans des magasins spécialisés ou sur des sites dédiés dont se sont emparés tous les commerces y compris la grande distribution. Masque en or, dentifrice au charbon, crèmes de beauté naturelles, bombes de bain, bougies d’aromathérapie, tout y est pour améliorer son bien-être physique et mental, par soi-même. Si certains produits sont indéniablement bénéfiques, on n’en doute pas, cette tendance commence à aller un peu trop loin. Sans aller dans les extrêmes de certains influenceurs, qui ne doutent de rien et vendent absolument tout et n’importe quoi sans aucune réglementation, en nous promettant d’éviter de vieillir, de mourir, de survivre aux lendemains de soirées trop arrosées (sans oublier la célèbre pilule promue par le tout aussi célèbre influenceur luxembourgeois qui promettait de tuer les cellules « cancérigeuses »), il est tout de même intéressant de se pencher sur cette nouvelle tendance de selfcare. Véritable révolution ou effet de société ?
On a tous succombé au moins une fois à un dentifrice au charbon, ventant une blancheur de l’émail ou à un sel de bain permettant de trouver la paix intérieure, soulager les douleurs menstruelles ou bien l’anxiété. (Je reçois presque le même genre de promesse tous les mois dans ma boîte aux lettres). En prenant simplement le rayon des masques pour le visage, on découvre rapidement que, au-delà de l’or qui serait une véritable fontaine de jouvence à prix exorbitant, la nouvelle tendance est aux masques et autres produits cosmétiques à… la bave d’escargot ! Arrêtons-nous là deux minutes. Depuis la nuit des temps, les humains utilisent ce qu’ils trouvent dans la nature pour guérir nos maux, mais que nous promet la bave d’escargot vendu comme un secret venu d’Asie, aux vertus révolutionnaires. Certes, les gastéropodes, au-delà de leur qualité gustative, sont connus pour leur mucus et ses qualités curatives, utilisées dans de nombreux produits pharmaceutiques. Mais cela fait longtemps qu’au lieu de devoir faire dégorger cent litres de mucus pour cent grammes de crème révolutionnaire, la science a synthétisé ces composés chimiques, plutôt pratique et évitant l’extinction des escargots de notre planète. La bave d’escargot n’est qu’un exemple révélateur de la tendance, la perte de confiance dans la médecine dite allopathique, dans la science en général.
Ce n’est pas qu’il n’existe pas de preuves scientifiques pour certains produits dits « naturels » ou « holistiques », c’est juste qu’ils sont utilisés depuis bien longtemps par la médecine, pharmacie et soins traditionnels sans en faire de la publicité outrancière. Pour beaucoup, on ne va pas se mentir, il n’y a aucun effet avéré, voire même des effets néfastes sur la santé. Petit tour d’horizon : le dentifrice au charbon n’a pas d’effet plus blanchissant qu’aucun autre et risque de compromettre l’émail, l’or n’a aucun effet anti-âge mais risque de boucher les pores de la peau, les thés « détox » sont pour la plupart (au mieux) diurétiques et peuvent entraîner déshydratation et des déséquilibres, les huiles essentielles promettant de soulager tous les maux possibles et imaginables peuvent entraîner des irritations, nausées, convulsions, affections pulmonaires si elles ne sont pas correctement utilisées. La liste est longue des promesses les plus folles tenues par des moyens complètement irrationnels, oui on pense à Kim Kardashian et son « vampire facial lift » (pour les ignorants, allez-vous renseigner en ligne, ça vaut le détour). Ce phénomène de société est tout de même extrêmement révélateur de ce violent désir de prendre le contrôle de son corps, de son image, le plus rapidement possible, de choisir l’appel du « naturel » en opposition à l’allopathie qui nous ment depuis trop longtemps puisqu’elle ne nous donne toujours pas accès à la vie éternelle, éternellement jeunes. Évidemment c’est un reflet d’une société où l’individu et la consommation sont rois, où la publicité nous vend que nous pouvons reprendre nos droits, nous rendant enfin maîtres de nous-mêmes, mais seulement en apparence et sans garanti sur l’efficacité de la bave d’escargot. La publicité et le marketing ont fait de Moi le Roi, sans que le Moi réellement libre de son choix, que demande le peuple ?.