Ils n’auraient jamais eu que des « relations courtoises », écrit le curé de Mondercange, François Terzer, dans une lettre à la rédaction publiée samedi dernier dans le Wort, à l’adresse du ministre de l’Intérieur (et ancien maire de Mondercange) Dan Kersch (LSAP). Terzer s’offusque de l’affirmation du ministre que les opposants au projet de loi n° 7037, abolissant les fabriques d’églises et versant leur patrimoine dans un Fonds national de gestion du patrimoine, ne pensaient qu’à l’argent « et non à la chose ». Or, rétorque le curé, « le fait religieux est un fait sociétal », comme, à ses yeux, la culture ou la politique, estimant que certaines dispositions de la loi, notamment l’obligation, pour l’Église catholique, de payer à l’avenir un loyer pour profiter des églises qui seront propriété de la commune, seraient une grave discrimination des pratiquants catholiques par rapport aux sportifs ou aux jeunes, qui se voient mettre gratuitement à leur disposition des équipements publics. Terzer n’hésite pas à comparer ce loyer, même symbolique (entre mille et 2 500 euros maximum par an) aux impôts spéciaux demandés aux Juifs dans certaines sociétés musulmanes.
Le projet de loi de Dan Kersch, qui abolit surtout les fabriques d’églises en tant qu’organismes, et avec elles ce que, en aparté, le ministre estime être une dictature de potentats locaux sans aucune légitimité démocratique (leurs membres ne sont pas élus mais cooptés), serait-il discriminatoire envers une communauté religieuse ? Dans l’exposé des motifs précédant le texte législatif qu’il vient de déposer à la Chambre des députés, le ministre cite le groupe d’experts nommé à l’époque par François Biltgen (CSV) pour évaluer les relations entre les pouvoirs publics et les communautés religieuses et qui, dans ses conclusions de 2012, parle d’un « héritage historique » de l’Église catholique, privilégiée parce que non seulement la main publique met à sa disposition les édifices religieux, mais assure en plus leur entretien. Or, le Conseil de l’Europe met en garde devant le « soutien privilégié accordé à certaines religions » qui serait, dans les faits, « disproportionné et discriminatoire ».
Alors, si Dan Kersch, auquel l’archevêché reproche du « fanatisme » dans sa volonté d’achever la séparation entre l’Église et l’État voulu par le gouvernement Bettel/Schneider/Braz sur le plan local, abolit certains privilèges du culte catholique et veut clarifier les droits de propriété de centaines d’édifices religieux (70 pour cent de ces droits sur plus de 500 églises et chapelles ne seraient pas clairs à l’heure actuelle), on pourrait aussi énoncer ce que le gouvernement ne fait pas : il ne touche pas au concordat de 1801 signé entre Bonaparte et Pie VII et ne met pas en cause le droit canonique. Et ce qu’il fait en faveur de l’Église catholique. Car le projet de loi prévoit de verser les « biens de cure », qui font quelque 84 hectares en 170 parcelles à travers le pays dans le futur fonds. Ces biens, essentiellement des terrains de labour et des prés, sont actuellement la nue-propriété de l’État, le curé en ayant l’usufruit ; ils seront donc en quelque sorte privatisés en faveur de l’Église, « dans l’intérêt de la clarification des droits de propriété » est-il précisé dans le projet de loi. Il s’agira donc d’une réforme générale des droits de propriété souvent obscurs de ces biens immobiliers.
Si donc les représentants de l’Église, membres de fabriques d’églises ou curés, s’opposent avec autant de virulence au projet de réforme, ils ne le font pas sur le plan rationnel (un simple calcul des avoirs de l’Église, avant et après la réforme), mais surtout sur le plan symbolique : à leurs yeux, les catholiques seraient discriminés dans une société sécularisée, persécutés par un État laïc, dépossédés de droits ancestraux. Or, ce gouvernement, bien que jouant l’ouverture et le modernisme, n’est pas aussi radical que cela. Conscient de la valeur affective et culturelle que beaucoup de citoyens, même non pratiquants, attachent à l’église dans leur village, le texte de loi prévoit des utilisations alternatives à ces édifices qui ne serviraient plus aux cultes, toujours dans le respect de la dignité des lieux. Si l’église de Differdange est tombée, c’est parce que l’archevêque Jean-Claude Hollerich refusait de la voir transformée en hôtel ou en halle de marché, que l’État aurait été prêt à financer.