La Cour des comptes devrait s’inviter une nouvelle fois à la Banque centrale du Luxembourg pour vérifier la régularité des recettes et des dépenses de la maison qui avait affiché fin 2010 un total de bilan de 79,7 milliards d’euros, un produit net bancaire de 128 millions et un cash flow de 170,8 millions.
À la suite d’une demande de Laurent Mosar, CSV, président de la Chambre des députés, le 15 février dernier, tous les groupes poli-tiques représentés à la Chambre des députés viennent de donner leur feu vert, via leurs représentants siégeant à la Commission du contrôle de l’exécution budgétaire, à cette « inspection » par la Cour des comptes, le dernier groupe à réagir fut le Parti chrétien social (CSV). Ils avaient jusqu’à la mi-avril pour réagir. Tous sont unanimes à réclamer ce « monitoring » de l’établissement public, sachant néanmoins que dans cet exercice, les gardiens de l’orthodoxie budgétaire devront marcher droit dans les clous pour ne pas heurter le principe de l’indépendance de la BCL, ni bousculer les sensibilités à fleur de peau.
Il s’agira du second essai pour la Cour des comptes qui, mandatée par les députés en 2007, avait dû renoncer au contrôle de la BCL face au refus de son président Yves Mersch, ce dernier arguant à l’époque de la spécificité de la banque centrale qui ne serait pas, à ses yeux, « un établissement public luxembourgeois comme les autres ».
La classe politique espère aujourd’hui lever les réticences des responsables de la BCL et jugent que la très probable nomination d’Yves Mersch au directoire de la Banque centrale européenne à Francfort contribuera à faciliter la venue des experts de la Cour des comptes.
« La route est libre », plaisante un proche du dossier. « Un tel contrôle est compatible avec le statut d’indé-pendance de la banque centrale du Luxembourg », estime pour sa part Claude Meisch, président du DP, ajoutant que le contrôle récent de la Banque de France par la Cour des comptes française en faisait la démonstration. Appréciation identique au CSV, dont le président du groupe parlementaire Marc Spautz juge que rien ne s’opposait au contrôle, ni le « droit communautaire primaire », ni l’interprétation qu’en ont faites la Cour de justice de l’UE ainsi que la Banque centrale européenne elle-même.
Ce n’est pourtant pas ce qu’affirmait le patron de la BCL en avril 2007 lorsque, dans une lettre au président de la Cour des comptes, il opposait la loi luxembourgeoise qui « ne prévoit pas explicitement de contrôle » de sa maison et mettait en avant le « régime spécial d’indépendance d’ordre institutionnel, financier et personnel ainsi qu’un régime rigoureux de secret » auxquels son institution est soumise. Yves Mersch se retranchait alors derrière les ambiguïtés de la loi du 8 juin 1999 organisant la Cour des comptes et d’une instruction du gouvernement en conseil du 11 juin 2004 pour décliner l’offre du contrôle.
Cinq ans plus tard, les députés reviennent à l’assaut. Ils ont d’ailleurs dégagé un consensus pour aller plus loin et lever définitivement les incertitudes pesant sur le champ d’intervention de la Cour des comptes, qui pourrait alors, une fois que sa loi organique sera dépoussiérée, se faire ouvrir les portes de la BCL, mais aussi de l’Entreprise des postes et télécommunications pour en contrôler la légalité des recettes et des dépenses et la « bonne gestion des deniers publics ». Marc Spautz confirme d’ailleurs les dispositions du CSV à clarifier les règles du jeu : « Il faudra, le cas échéant, écrit-il à Laurent Mosar, préciser certaines dispositions législatives afin de permettre à la Cour des comptes de remplir pleinement ses missions constitutionnelles ».