Riches en surprises, les élections européennes ont bouleversé l’échiquier politique roumain. Et d’abord par le taux de participation de 35 pour cent qui a contredit tous les sondages annonçant un pourcentage de 25 pour cent. Le scrutin pour le parlement européen n’avait jamais réussi à mobiliser les électeurs dont seulement 27 pour cent avaient voté en 2009. Mais en 2014, la donne a changé d’autant qu’en novembre la Roumanie organisera une élection présidentielle. Néanmoins, dans l’ensemble de l’Europe centrale et orientale, le taux de participation a été plutôt faible. « C’est un paradoxe que les pays qui font le plus confiance aux institutions européennes aient un taux de participation assez bas, affirme Cristian Ghinea, directeur du Centre roumain pour des politiques européennes. Les électeurs ont tendance à reporter les frustrations accumulées par rapport à la politique nationale sur la politique européenne. Ce qui est évidemment une erreur. »
Deuxième surprise électorale en Roumanie : les extrémistes, les nationalistes et les populistes ont été balayés de l’échiquier politique. Bucarest n’envoie plus à Bruxelles des députés issus des partis extrémistes et qui s’étaient signalés par leur exotisme. L’ultranationaliste Vadim Tudor, chef du Parti de la Grande Roumanie (PRM), qui promettait de gouverner la Roumanie « à la mitraillette », ne retrouvera pas son fauteuil parlementaire à Bruxelles. Gigi Becali, le patron du club de football Steaua de Bucarest, le lieutenant de Vadim Tudor et le clown du parlement européen, a dû renoncer à ses ambitions politiques
puisqu’il se retrouve en prison pour détournement de fonds. Dan Diaconescu, patron d’une chaîne de télévision à scandale et fondateur d’un mouvement politique populiste, le Parti du peuple Dan Diaconescu (PPDD), n’a pas recueilli assez de suffrages pour faire une percée au parlement européen. « C’est la bonne nouvelle de ces élections, déclare le président de centre-droit Traian Basescu. Malgré la progression des partis extrémistes et nationalistes en Europe, la Roumanie n’enverra plus à Bruxelles des personnages de ce genre. »
Si l’on se réfère aux chiffres, c’est le Parti social-démocrate (PSD) qui s’affiche en vainqueur de ces élections. Les socialistes roumains qui gouvernent le pays depuis deux ans ont remporté 37 pour cent des voix, ce qui leur assure la moitié des 32 sièges de députés que la Roumanie occupe à Bruxelles. L’opposition de droite se partage le reste : le Parti national libéral (PNL) dispose de six sièges, le Parti démocrate-libéral (PDL), dont est issu le président Traian Basescu, en compte quatre, l’Union des magyars de Roumanie (UDMR), qui représente la minorité hongroise, en obtient trois, et le Parti du mouvement populaire (PMP), une jeune formation de droite, en aura deux.
Malgré le bon score des socialistes et le morcèlement de la droite, la gauche roumaine est en difficulté puisqu’elle comptait sur un score de 45 pour cent pour renforcer sa position en vue de l’élection présidentielle prévue en novembre. Une union de la droite posera un problème sérieux aux socialistes déjà usés par l’exercice du pouvoir et leur incapacité à mener des réformes. Le Parti national libéral et le Parti démocrate-libéral ont d’ores et déjà entamé des négociations pour une future fusion et la désignation d’un candidat unique à l’élection présidentielle. Le libéral Klaus Iohannis, maire de Sibiu, ville située au centre de la Roumanie, est annoncé comme candidat de la droite réunie. D’origine allemande, il s’est fait connaître pour avoir fait de Sibiu le joyau de la région de Transylvanie. « Je ne pense pas que l’appartenance ethnique nous rende meilleurs ou pires, a-t-il affirmé après l’annonce de sa candidature. C’est l’éducation qui est la mesure de nos performances. L’ethnie à laquelle on appartient ne doit pas influer sur une carrière. Ce sont les Roumains de Sibiu qui m’ont appris cette leçon. »
Face au candidat libéral, le premier ministre socialiste Victor Ponta, qui a lui aussi l’intention de participer à la course présidentielle, a un problème. Connu pour avoir plagié sa thèse de doctorat, il a construit sa carrière grâce aux jeux de coulisses de son parti. Sa prestation à la tête du gouvernement est très critiquée à droite en raison de la multiplication des taxes et des impôts qui risquent de mettre à genou la fragile classe moyenne. Klaus Iohannis, quant à lui, bénéficie d’une bonne image due à sa capacité à administrer une ville devenue le symbole du renouveau roumain. « Je suis prêt pour la course présidentielle, a-t-il déclaré au grand dam de Victor Ponta. Si je le fais, c’est parce que j’ai un projet pour mon pays et que j’y crois. Il est temps que les hommes politiques prennent des décisions professionnelles et que les partis encouragent la compétence. »
Dernière surprise des élections européennes en Roumanie : les libéraux ont décidé de quitter l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe au parlement européen, et entamé des négociations pour ajouter leur six députés au groupe des populaires. « L’Union européenne ne doit pas être dirigée par un socialiste », a affirmé Crin Antonescu, l’ancien chef du Parti national libéral. Ce retournement de veste des libéraux roumains renforce le dispositif du Parti populaire européen (PPE) au sein du parlement, et ce d’autant plus que toutes les autres formations roumaines de droite sont affiliées à la famille des populaires. Les libéraux roumains comptent aussi sur cette position de force pour s’assurer toutes les chances de remporter en novembre la présidence de la Roumanie.