Après la gouvernance des sociétés financière, la Commission s’attèle à celle, plus générale, des entreprises cotées en bourse en publiant le 5 avril un livre vert. La crise financière ayant révélé des insuffisances notables quant au fonctionnement, à la rémunération, à l’éthique même des conseils d’administration de ces entreprises, Bruxelles entend avec cette nouvelle consultation, explorer les pistes qui permettraient de rendre plus efficaces ces derniers. Michel Barnier, le commissaire chargé du marché intérieur et des services financier, souhaite lancer un débat jusqu’au 22 juillet pour déterminer comment rendre plus efficaces les instances de gestion et de contrôle des entreprises et davantage en responsabiliser les membres. « Dans la situation économique actuelle, nous avons besoin plus que jamais de nous assurer que les entreprises sont bien gouvernées. Les conseils d’administrations des entreprises doivent mieux fonctionner et ils doivent améliorer la qualité des décisions qu’ils prennent. Une meilleure gouvernance – c’est une entreprise mieux dirigée et plus compétitive », a-t-il déclaré lors de la présentation du livre vert.
En juin 2010, il avait été plus sévère en pointant du doigt le fait que « les conseils d’administration n’avaient pas toujours joué leur rôle » et critiquant ouvertement « les actionnaires, dont le rôle suscitent des interrogations ». Pour lui, un changement de culture s’impose, gage d’une meilleure gestion et donc d’une meilleure compétitivité.
Mais comment faire converger au sein de l’UE des codes nationaux actuels, pour l’essentiel fondés sur le volontarisme et sans surveillance ni sanction ? Comment accroitre la transparence ? Ce sont des questions cruciales qui sont soumises au débat avec les parties prenantes. Il y a de grandes différences entre les État membres dans un domaine où les codes de conduite sont nationaux, fondés sur l’auto-régulation, très peu surveillés ou coercitifs. Partant du constat que cette situation n’est plus tenable, surtout avec l’intensification des échanges et des prises de participations transfrontalières, le livre vert entend explorer toutes les pistes d’amélioration possibles pour un cadre européen qui puisse compléter efficacement les initiatives nationales de révision de ces codes. Il s’articule autour de trois chapitres: les conseils d’administration, les actionnaires, enfin le suivi et l’exécution des codes de gouvernance d’entreprise.
Le premier passe en revue les aspects touchant à leur fonctionnement et aux moyens pour lutter contre le phénomène de « la pensée de groupe » des membres des conseils d’administration recrutés dans les mêmes milieux et qui sont chacun membres des boards des entreprises des uns et des autres et donc réagissent tous de la même façon. Une solution est de garantir la diversité de leur composition en termes d’âge, de formation, de milieu social, et professionnel, de nationalité et de genre. Certains États membres accusent une sous représentation de femmes aux conseils d’administration flagrants, ainsi en Italie la part des femmes est de trois pour cent, au Portugal de quatre, en Autriche, Pologne et Belgique elle est de huit pour cent, alors que la moyenne européenne est de douze, avec les plus forts taux dans les pays nordiques. L’instauration de quotas pourrait être la solution, la question est posée aux parties prenantes. Les sujets de la disponibilité des dirigeants et de leur rémunération sont aussi abordés. La Commission suggère d’accroître le contrôle exercé par les actionnaires sur ce point délicat par une publication des rémunérations les plus élevées et par une mise à un vote de confirmation lors de l’assemblée générale annuelle. Elle évoque aussi la manière de mieux sensibiliser les membres des conseils d’administration aux risques qu’ils engagent au nom de l’entreprise.
Le second chapitre évalue les moyens de sensibiliser les actionnaires sur les questions de gouvernance d’entreprise : investissement en temps, prise de conscience des critères de performance à long terme, meilleure protection des actionnaires minoritaires sont entre autres détaillés.
Enfin, la dernière partie est consacrée à la recherche d’une meilleure transparence des codes nationaux de gouvernement d’entreprise, d’une meilleure application du principe « se conformer ou s’expliquer », qui a montré ses limites. Si une entreprise cotée déroge au code de conduite national, par exemple parce qu’il ne correspond pas à sa stratégie, elle doit selon ce principe inscrit dans la directive de 2006 sur les comptes annuels de certaines formes de sociétés (directive 2006/46/CE du 14 juin 2006), fournir des justifications aux investisseurs, actionnaires et/ou aux autorités de contrôle selon les divergences nationale.
Or, les comportements d’entreprises ont démontré que ces comptes rendus n’ont pas été satisfaisants. Aussi, la Commission s’interroge-t-elle sur l’opportunité de règles plus précises quant aux justifications à fournir et sur une plus grande implication des organes de contrôle nationaux. Une étude menée par l’instance représentant le patronat européen, Business Europe en 2009 sur ce principe clé de la gouvernance, souligne qu’il est bien accepté tant par les entreprises que les autorités de régulation ou encore les investisseurs, mais que sa mise en pratique devrait être amendée dans le sens d’une plus grande clarté de ces justifications et d’un meilleur contrôle de la pertinence des informations communiquées. Pedro Oliveira, un des ses conseillers juridiques, estime que « c’est principe fondamental de la gouvernance d’entreprise en Europe, car il est flexible, facile à mettre en œuvre et rapidement ajustable. Il ya déjà un certain nombre de lois de l’UE régissant ce domaine et il faut éviter de tomber dans le piège de la sur-réglementation de gouvernance d’entreprise ».
L’ACCA, l’association européenne des experts comptables et auditeurs), salue plus franchement le livre vert, dont elle attend des avancées en termes de mise en application plus contraignante du principe « se conformer ou s’expliquer », qui permettrait d’avoir une meilleure information quant à la diversité des boards, de la rémunération et du risque. Paul Moxey, son chef de la gouvernance d’entreprise et de la gestion des risques, plaide aussi pour « un renforcement du rôle du comité d’audit, qui pourrait jouer un rôle bien plus important en termes de bonne gouvernance d’entreprise dans le futur qui n’est pas traité dans le livre vert ». Le responsable considère aussi « prématuré » d’envisager de transposer des règles de gouvernance des grandes entreprises « qui ne sont pas abouties » aux PME.