Certains n’ont pas vu Nested de Su-Mei Tse au Mudam ou n’y ont pas passé assez de temps. L’exposition monographique qu’avait programmée Enrico Lunghi, curatée par Christophe Gallois l’année dernière, était très grande et occupait tout le rez-de-chaussée. Ils peuvent se rattraper en allant voir Walking and pausing… à la galerie Nosbaum-Reding au Fëschmaart.
Les pièces de cette première présentation de Su-Mei Tse dans une galerie luxembourgeoise après la fermeture de BeaumontPublic ne sont pas des reprises (à quelques exceptions près), mais, dans la continuité de l’exposition muséale de 2017. Dans le bel espace de l’ancienne galerie Ceysson reprise par Alex Reding, les œuvres, parcimonieuses, respirent. On peut donc mettre en œuvre, tranquillement, une des expressions du titre Walking and pausing… que Su-Mei Tse a choisi – et se poser. La deuxième – marcher – vient en se déplaçant autour des trois rochers qui occupent le centre de l’espace.
Su-Mei Tse, faut-il le rappeler, moitié occidentale moitié orientale, nous invite à tourner autour de ces minéraux (repris de la tradition de méditation chinoise), disposés sur un socle (à l’occidentale). Ces « pierres trouvées » ont chacune une apparence différente. La première a une texture dense. Elle a été arrondie, polie par le vent et l’eau. La deuxième à la texture poreuse, a été creusée par les éléments naturels. La troisième, dont la base est sertie dans un socle de bois telle les pierres miniatures des sages orientaux, est un éclat de couches géologiques, soulevées par des chocs sismiques à la verticale.
Le microcosme de l’espace d’exposition rejoint ici, via ces éclats de roche, la dimension macro de l’univers. L’exposition oscillant entre l’infini de l’azur (Sky, trois photos couleur du ciel prises à des intervalles très rapprochés et pourtant les nuages mouvants sont déjà dans des configurations différentes) et huit photographies noir et blanc de la croute terrestre figée (Stonescape).
Ces vues rendent vie à la matière inerte en faisant percevoir son organicité comme au microscope. Affluent des images mentales : microbes ou bactéries, radiographies de tumeurs, os de squelettes ? C’est la finitude de nos vies agitées (mais quel choix autre que d’avancer ?) qui donne à la méditation sa valeur aux quatre coins du monde et sous les latitudes des quatre points cardinaux.
Ces idéogrammes chinois (E, W, S, N) en néon, datent de 2006. Douze années plus tard, Su-Mei Tse poursuit son œuvre, dont les pièces s’assemblent comme les mots dans une phrase, les paragraphes formant un récit, édité sous la forme de l’ouvrage Nested (Sternberg Press, 30 euros), éponyme de l’exposition au Mudam, actuellement à l’Aargauer Kunsthaus, que l’on peut feuilleter ou acheter à la galerie Nosbaum-Reding.
Métaphoriquement, dans la pièce arrière de la galerie du Fëschmaart, Su-Mei Tse, qui vit à Berlin, tient l’image de l’Altes Museum dans sa main, dont la miniature inversée tient dans une boule de verre. Cette colonnade de pierre fait face à la répétitivité des fûts d’une forêt de bouleaux (Golden Trees (Reminiscences), en collaboration avec Jean-Lou Majerus). L’inerte et le vivant, au rythme de sa musique, encore et toujours… Marianne Brausch