Un roman policier dont l’action se déroule au Luxembourg ! Le filon, éculé, fonctionne à merveille. Souvenons-nous des trois livres de Tom Hillenbrand qui ont chacun longtemps figuré au rang des meilleures ventes, le sésame Bestseller zu Lëtzebuerg. Même succès assuré pour Les dessous de la vierge à l’enfant donc. Et d’autant plus au regard de l’auteur ou des auteurs, pluriels, puisque sous Basso-Lunghi « se cachent » Serge Basso de March et Enrico Lunghi. Petit rappel pour les primo-arrivants ou les rares néophytes : le premier est le directeur de la Kulturfabrik, le deuxième directeur du Mudam. Les deux sont aussi auteurs à leurs heures perdues. Le premier est plus enclin à la poésie, contrairement au deuxième qui jette plus volontiers son dévolu sur le roman.
Difficile de résister à un livre cosigné par deux personnalités évoluant dans les hautes sphères de la culture et de la politique. Car peut-être le lecteur va-t-il tomber sur des patronymes connus, sur des potins croustillants ou sur des dessous d’affaires non révélés dans les journaux. Il ne sera en tout cas pas dépaysé ; le premier lieu de l’action étant le Mudam lors d’un vernissage et le lieu du premier meurtre (et accessoirement d’un vol de tableau) le Musée national d’histoire et d’art. Tiens, tiens, cela rappelle étrangement le parcours d’Enrico Lunghi, lequel débuta en tant que collaborateur scientifique au MNHA. Et dont on peut supposer que si le lieu du crime a été assigné au MNHA et non à son fief actuel, cela peut être attribué soit à un nonchalant « après moi le déluge », soit à une bonne dose de superstition de la part du maître des lieux reconduit du Mudam.
Plus qu’un roman noir, Les dessous de la vierge à l’enfant est un essai narcissico-complaisant et satirique ayant comme trame de fond une histoire policière. Qui agace beaucoup tout en convoyant son lot de réjouissances.
Ne vous attendez pas, malgré l’érudition des auteurs, à un bouquin qui fait dans la dentelle. Le premier chapitre s’ouvre sur un jour typiquement luxembourgeois de déluge pluvieux. Le roman met à l’honneur un inspecteur très fonctionnaire dans ses horaires de travail et bien sûr réfractaire à l’art. Et les crimes commis ont des relents de nostalgie du Troisième Reich. Relèvent de la même finesse les interventions ô combien fréquentes et barbantes des auteurs qui ont la fâcheuse tendance de s’écouter parler ou de s’admirer écrire. Lesquelles, dommageablement, volent le premier plan à l’action et à la résolution de l’enquête, privées de fait de suspense.
Ceci dit, même en faisant la fine bouche, pour peu qu’on soit coutumier des mondanités artistiques, on (sou)rit. On s’amuse qu’il soit une énième fois rappelé que, malgré un acronyme inapproprié, le Mudam est un lieu dédié à l’art contemporain, des éloges faits à la bâtisse – et surtout à son beau pavement de pierres de Bourgogne – et aux œuvres qui sont exposées en son enceinte, mais qu’il soit avoué que pour voir de grands maîtres, il faille aller à Paris. On savoure l’exacte peinture de l’ambiance des vernissages : « les applaudissements nourris et convenus », « ça connaissait tout le monde », « ça faisait l’artiste ou ça essayait de l’être », de même que de l’inexact, qui voudrait nous faire croire, glamour oblige, que la Grande-Duchesse honore de sa présence tout événement lié à l’art. On se gausse que les policiers portent des noms « philharmoniques » – Wagner et Verdi – et que le directeur du Mudam soit germanisé en Heinrich Lang, un grand blond aux yeux bleus. Autant de plaisirs qui se dégustent mais trop parcimonieusement. Si le duo tentait la prochaine fois d’écrire pour les lecteurs et non pour lui-même, la sauce prendrait peut-être. Lore Bacon