L’invitation à la soirée d’inauguration des nouveaux locaux de l’atelier d’architecture Steinmetz De Meyer (2001), rue de Bonnevoie à Luxembourg, était présentée sous forme d’une petite maquette à détacher selon les pointillés blancs du carton d’invitation noir, comme la façade en lamelles d’acacias durcies au feu, d’un air résolument sobre. « L’architecture exprime l’humain, la manière d’occuper les lieux se raconte à l’extérieur », explique Nico Steinmetz, fondateur et partenaire depuis 2001 d’Arnaud de Meyer, vêtu d’un pantalon gris et d’un V-neck noir. Il porte des lunettes à montures noires aux trois points iconiques Oliver Peoples. Ses cheveux poivre et sel sont le seul élément de son look qui trahissent son âge (52).
Tout comme la façade, l’intérieur aussi est épuré : du béton planché apparent aux murs et plafonds, un parquet de chêne clair, et un énorme escalier en acier, pré-assemblé et suspendu à la dalle de toiture, avant d’être latéralement fixé aux murs pour le stabiliser.
L’espace de réunion aux grandes baies vitrées jusqu’au sol du dernier étage permet de contempler le paysage environnant, la ville, la gare.
Comme début de sa passion pour l’architecture, Nico Steinmetz se souvient de ses cours de dessin géométrique au Lycée de garçons. « J’étais fasciné par la représentation 2D d’éléments imaginaires 3D, par les arêtes de pénétration et les calculs d’abattement ».
C’est à Saint-Luc qu’il découvre le discours architectural : la lumière, les espaces, les personnes. Il a été passionné par le discours de Jean Cosse – son maître à penser – qui lui apprend « l’importance de la dimension humaine dans l’architecture », et Georges Smoos, son professeur d’atelier, qui « n’a jamais rien dessiné pendant l’atelier », mais qui, par ses questions, lui a apporté « l’éveil à la sensibilité envers l’utilisateur ». « J’ai été fasciné par la multiplicité des questions qui apparaissent pendant un projet ».
Après les études, il a fait six mois de stage dans un grand bureau à Bruxelles. « J’ai appris tout ce que je ne voulais jamais faire. Je voulais faire de l’architecture neutre, pas de politique. » Son premier projet au Luxembourg : Downtown Hollerich, cette cour intérieure devenue iconique dans le night-life luxembourgeois de l’époque, avec le Marx, le Congo, les bureaux... Il a collaboré sur ce projet avec Stefano Moreno, dont le père architecte leur a filé un coup de main dans la pratique du métier.
Peu après, son professeur de Bruxelles, Marc Lacour, l’invite à enseigner à Bruxelles. Défi qu’il accepte. C’est lors de sa première année comme enseignant qu’il rencontre son associé actuel Arnaud de Meyer. « Étudier c’est intuitif, c’est beaucoup avec les tripes, dit-il, en tant qu’enseignant, il faut apprendre à expliquer ses raisons ». Nico Steinmetz aime se souvenir de son temps d’enseignant : « Il faut guider les étudiants, les accompagner dans leur démarche ». Après, il a eu des enfants, et avec les trajets et l’augmentation de la taille du bureau, « j’ai eu l’impression de jouer plusieurs rôles : professeur, papa, chef de bureau,... et de ne plus avoir le temps de vivre. » Il décide alors d’arrêter l’enseignement.
Pour Nico Steinmetz, la ville est une continuation de l’échelle humaine. L’architecte-urbaniste doit « créer une centralité dans la ville, donner un caractère spécifique à chaque espace qui découle des activités de l’humain. L’être humain doit être au centre de la conception ». Lors de son discours sur l’urbanisme, il définit la densité comme une manière de vivre à l’avenir, il évoque la qualité de l’habitat dans le logement collectif. Il considère les places, les espaces publics extérieurs, comme endroit de rencontre, de passage, de communication et la place publique « idéale comme lieu de rencontre de toutes les activités de la ville : l’habitat, les bureaux, les commerces de proximité, les terrasses, les bistrots ».
Sa place préférée ? Il n’en a pas. « Chaque place à son caractère : la Place d’Armes est une grande salle à manger. Le Knuedler est disproportionné ». Il raconte l’histoire de cette place qu’il a étudiée dans le cadre du projet pour la rénovation de l’hôtel de ville : les îlots étroits lié aux jardins des cordeliers, l’église du couvent,... Cette approche respectueuse par rapport au patrimoine a guidé une bonne partie des rénovations de la Mairie, les salles de réunions aux moulures, les belles charpentes conservées dans le back-office sous les combles... Il explique la démarche urbanistique d’avoir planifié les habitations donnant sur la place pour diminuer la criminalité dans les endroits « cachés du regard ».
Une Salle de cérémonies a été rajoutée « comme une nouvelle pièce au puzzle ». À d’autres époques, « il y a eu des récupérations et des destructions d’éléments ancien pour se les réapproprier avec force et conviction ». Nico Steinmetz explique la démarche théorique qui a mené à ce geste architectural, la passerelle en demi pont haubané est « comme un cordon ombilical » qui relie les élus au peuple.
Nico Steinmetz voit la ville « comme un organisme vivant, qui est donc sujet à évolution » et non comme une ville-musée.
Son style architectural ? « Clarté et cohérence, jusque dans les contradictions ! Une construction logique, sensible et lisible ». Il dit vouloir éviter les phénomènes de mode. « L’insertion dans un lieu est importante ». Pour comparaison, il cite le bonsaï, qui se forme en fonction de son environnement naturel direct.
Des influences architecturales ? Louis Kahn, Renzo Piano, Richard Rogers, Norman Foster et l’architecture japonaise. Il est passionné aussi par le Japon, Kyoto – la villa impériale de Katsura. « Si on enlève la toiture, c’est une villa moderne de Mies Van der Rohe, aux lignes épurées, le soins des matériaux... »