Dimanche après-midi, Café Pacha
Les orgueilleux
d'Lëtzebuerger Land vom 12.06.2015
« Laura Zuccoli – shalalalala ! Laura Zuccoli – shaalaalalalaa ! », c’était le chant entonné en chœur par une dizaine de supporteurs du « non » ce dimanche après-midi au Café Pacha à Merl. Les initiateurs de la page Facebook Nee2015.lu avaient invité leurs 6 647 followers virtuels à se rassembler dans le monde réel ; seulement une trentaine firent le déplacement. Au moment de son triomphe, Fred Keup paraissait donc étrangement isolé. Et si le roi du « non » était nu ? Dans l’atmosphère rance du Café Pacha, un militaire (votant ADR), une « organisatrice de conférences » (votant CSV), un ancien des jeunes de l’ADR exclu pour propos homophobes, quelques lycéens BCBG de l’aile droite du CSJ ainsi que des amis et collègues du prof de géographie Keup. L’organisatrice de conférence le répète ad infinitum (voire nauseam) : elle est « houfreg » d’être Luxembourgeoise. « Sans nos grands-parents, nous serions tous des Preisen ». Puis passe à la célèbre vendeuse francophone : « Dat geet mir sou op d’Nerven ! ». « Le non dit ,merci beaucoup’ au oui ! », s’exclame quelqu’un, le portable vissé à l’oreille. Le militaire intervient et déclare que le gouvernement devrait s’en aller, « avec honneur ». Sur la télé accrochée au mur, RTL annonce passer en direct au QG de l’Asti à Eich. Les premiers « buuuh » fusent. Une voix tente de s’imposer : « Roueg ! Ziviliséiert ! » Le calme se fait. À la télé, Laura Zuccoli est en train d’expliquer que la voie à prendre serait celle des naturalisations. Quelqu’un tape sur le comptoir en murmurant : « Sou muss et sinn ! » Un doigt se lève, pointe la télé : « D’Läit sinn rosen op d’Politik, rosen op dech ! » Dehors, le patron d’une firme spécialisée en technique dentaire. Il évoque le besoin économique en salariés étrangers « des gens immensément compétents ». « Si on ne les avait pas, notre boîte aurait fermé il y a longtemps déjà ». Or, ses salariés auraient « une certaine arrogance ». Ainsi, deux employées causeraient portugais entre elles. « Si je rentre, elles se remettent à parler luxembourgeois. Alors comme boss d’une firme, je me demande : ,Wat ass do lass ?’ » Il dit avoir décidé de voter « non » mercredi soir, quatre jours avant le référendum, alors qu’il prenait un verre dans un café portugais, vide à cette heure-là, pas loin de sa cité à Capellen. La serveuse ne lui aurait pas proposé des cacahouètes, à l’inverse de ce qu’elle fait d’habitude avec les clients portugais. « Vous devez venir pour la photo ! entend-on. « Et ass fir d’Wort ! » Le photographe réarrange la scène éparpillée en portrait de famille. Sur commande, tous jubilent derrière une banderole : « Mains en l’air… Hourrah ! » Bernard Thomas
Bernard Thomas
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