« Clairement un pas en arrière ! » est le premier commentaire que lance, du tac-au-tac, Pol Reuter, vice-président de l’Unel (Union nationale des étudiant-e-s du Luxembourg), sur la « réforme de la réforme », les nouvelles propositions du ministère de l’Éducation nationale pour réformer l’enseignement secondaire au Luxembourg, présentées le 16 avril par la ministre Mady Delvaux-Stehres (LSAP). Car l’Unel, organisation étudiante la plus à gauche du paysage, avait une vision maximaliste d’une réforme du système scolaire luxembourgeois et avait proposé des avancées plus radicales. Le consensus, obtenu après consultation de tous les acteurs de l’école, constitue donc forcément pour elle un pas en arrière.
Les principales critiques résumées en une première réaction vis-à-vis du Land par Pol Reuter concernent essentiellement l’évaluation et la promotion. Ainsi, l’Unel regrette que la proposition initiale du ministère d’introduire un bloc commun entre les classes de septième et de sixième soit abandonnée. « Pour nous, il s’agissait d’une avancée importante, souligne Pol Reuter, bien que nous ayons été les seuls à la soutenir, y compris dans le ‘comité d’action réforme’. Comme nous militons pour l’introduction d’un tronc commun, nous y voyions un pas dans la bonne direction. » L’Unel toutefois n’était pas pour une promotion automatique, telle que prévue dans le premier projet de la réforme, mais proposait un enseignement par modules, adapté aux compétences de chaque élève, et qui lui permettrait d’avancer vraiment selon ses propres compétences et non selon des catégories ou groupes d’âge.
Fustigeant les dégâts causés par le redoublement de l’élève, l’association craint également les conséquences des « conventions de redoublement » telles que prévues. « Qu’ils s’appellent conventions ou contrats, comme dans la première proposition, estime Pol Reuter, ces accords sont absurdes à nos yeux. D’abord parce qu’à l’école, il ne peut pas y avoir de contrats. Ensuite parce que des expériences pilotes dans certains lycées ont montré qu’ils sont unilatéraux, qu’ils sont imposés aux élèves et peuvent même mener à leur renvoi pur et simple de l’école ! »
S’il n’accorde pas la moindre importance à la terminologie et aux dénominations des différents ordres d’enseignement, qu’ils s’appellent classique, technique ou général, ou des classes, qu’on avance en ordre croissant ou décroissant des années scolaires, le vice-président de l’Unel salue toutefois le maintien d’un système de notation par points, bien qu’il imagine qu’on pourrait désormais noter sur un maximum de dix, éventuellement sur vingt points au lieu des soixante actuels. Mais l’essentiel dans la réforme du système d’évaluation serait une prise en compte de compétences transversales des élèves, dans un cadre plus général, au lieu de limiter la notation à une seule matière. « Et puis il serait vraiment temps d’introduire enfin une évaluation positive ! » ajoute Pol Reuter.
Là où la position de l’Unel sur la réforme des lycées est la plus originale, c’est dans sa revendication d’une meilleure prise en compte de la diversité de la population lycéenne (voir « Ein neues Bildungswesen in Luxemburg » publié dans le mensuel Forum n° 316 de mars 2012). Car, si, comme le prouvent de manière flagrante les résultats des épreuves standardisées que vient de publier l’Université du Luxembourg, les élèves issus de l’immigration et ceux vivant dans un contexte socio-économiquement défavorisé présentent des retards, même « assez importants », dans les domaines évalués par ces épreuve, pour ensuite poursuivre des parcours scolaires « chaotiques », il serait temps que l’école y réponde. Et ce en premier lieu dans le domaine des langues : l’alphabétisation devrait se faire en luxembourgeois, selon l’Unel, puis chaque élève devrait être libre de choisir de poursuivre son cursus dans la langue qui lui convient le mieux, et ce jusque dans une différenciation selon les matières. Les niveaux des langues ne devraient pas forcément être « très élevés » comme actuellement prévu encore dans le texte de la réforme.
« Student-centred learning » est le terme magique employé par l’Unel : que l’école soit outillée pour répondre individuellement aux compétences de chaque élève au lieu d’être une machine de standardisation des jeunes. Pour cela, l’Unel demande aussi une meilleure implication des principaux intéressés, à savoir les élèves, dans l’organisation scolaire et une plus grande participation démocratique des représentants des élèves dans les lycées, comme l’a aussi revendiqué la Conférence nationale des élèves lors d’une conférence de presse dimanche dernier. Après cette première réaction à chaud, l’Unel va consulter sa base et élaborer un avis sur ces nouvelles propositions du ministère.