Le « sauvetage » du site de Diekirch par… des promoteurs immo-biliers ne trahirait pas le « modèle luxembourgeois ». Disons plutôt que le deal annoncé mercredi s’inscrit dans la tradition de l’entre-preneuriat luxembourgeois, qui attire davantage les candidats lors-qu’il y a du patrimoine foncier derrière que du risque industriel.
Ainsi, une petite bande d’investisseurs privés luxembourgeois, qui a demandé à rester anonyme, le temps que la transaction devienne définitive, a signé un protocole d’accord « non-contraignant » avec ABInbev/Brasserie de Luxembourg Mousel Diekirch pour racheter au géant mondial de la bière le terrain et les bâtiments du site de production. L’exploitation restera aux mains d’Inbev (locataire), qui se donne ainsi, avec les résultats de la vente, « les moyens financiers nécessaires » pour continuer à produire « made in Luxembourg », redresser des ventes et une consom-mation en déclin et assurer la préser-vation de certains emplois. L’alterna-tive aurait été la délocalisation de la production en Belgique. Les intentions du groupe restent toutefois inchan-gées pour ce qui concerne le sort de la logistique (sous-traitée à un tiers) et la centralisation des services de support. Le plan social saute, rem-placé par un plan de maintien dans l’emploi. Les syndicats s’en félicitent.
Le protocole annoncé mercredi s’apparente donc à une pure opéra-tion de sale and lease back comme pratiquement toutes les banques de la place l’ont déjà fait pour se concentrer sur leur core business. Les détails de la transaction et les garanties qui seront apportées à la préservation de l’outil industriel trans-paraîtront peut-être un jour, mais rien ne le dit non plus, vu le caractè-re privé du contrat encore à signer.
Quel a été le rôle des autorités dans cette « solution à la luxembourgeoise » et quel sera-t-il à l’avenir ? Il y a peu de chance, vu qu’il s’agit d’une transaction immobilière, que la SNCI, citée mercredi à la Chambre des députés par le ministre de l’Économie comme un des protagonistes de l’affaire, puisse jouer les financiers de service. Ce sera donc aux banques de prêter les fonds nécessaires aux investisseurs privés.
On imagine par ailleurs combien la pression politique (Jean-Claude Juncker avait promis de prendre personnellement le dossier en main) sur les dirigeants du groupe brassicole a dû être forte pour qu’ils cèdent les murs de Diekirch, alors que la logique économique et même bilantaire de l’opération échappe à de nombreux observateurs.