Dans son rapport annuel « Objectif Croissance » publié le 10 mars, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) formule des recommandations pour renforcer la croissance et pérenniser la reprise économique dans l’ensemble des pays membres (voir encadré). Mais elle présente aussi, pays par pays, les mesures auxquelles il conviendrait d’accorder la plus haute priorité dans les circonstances actuelles. L’organisation internationale, qui regroupe des pays développés (elle compte actuellement 30 membres, dont 19 pays de l’UE) se montre relativement sévère pour le Luxembourg, considérant que « globalement, les progrès accomplis y ont été nettement inférieurs à la moyenne des pays de l’OCDE ».
Le diagnostic de l’OCDE est que, bien que présentant un PIB par habitant supérieur de 50 p.c. à la moyenne des pays membres les plus riches, le Luxembourg souffre de plusieurs handicaps susceptibles de peser sur sa croissance. Dès 2005 trois recommandations prioritaires, dont la réalisation pouvait être vérifiée par des indicateurs mesurables, avaient été faites, et l’OCDE les avait reprises en 2007 et 2009.
La première était de renforcer les incitations à la recherche d’emploi et de dissuader la sortie du marché du travail en durcissant les conditions d’éligibilité aux allocations de chômage et en diminuant leur niveau en proportion du dernier salaire. En effet, elles représentent au Luxembourg plus de 83 p.c. du salaire du travailleur moyen alors que la moyenne de l’OCDE (et celle des 19 pays de l’UE membres de l’organisation) est d’environ 60 p.c.
La deuxième était de réduire les freins à la poursuite de l’activité à un âge avancé, essentiellement en réduisant les taux de remplacement des pensions de vieillesse, jugées trop élevées par rapport aux cotisations versées durant la vie active. L’OCDE a calculé le montant de « l’impôt implicite » pesant sur l’emploi de salariés ayant atteint la soixantaine : bien qu’ayant légèrement diminué depuis 2005, il frisait au Luxembourg (en 2007) 75 p.c. du salaire du travailleur moyen alors qu’il était à peine de 20 p.c en moyenne et de 25 p.c. dans les 19 pays de l’U.E membres de l’organisation.
La troisième, sans doute la principale, était d’améliorer les résultats dans l’enseignement primaire et secondaire. Si, de 2002 à 2007, la part de la population ayant achevé le second cycle du secondaire s’est fortement améliorée (passant de 64 p.c des personnes âgées de 25 à 34 ans, à 75 p.c.), elle reste inférieure à la moyenne des pays membres (notamment ceux de l’UE) qui était de 80 p.c. en 2007. L’OCDE en tire la conclusion que « la formation du capital humain ne semble pas adaptée à la trajectoire actuelle de croissance fortement fondée sur le savoir ».
Pour cela, il était recommandé de faciliter les changements de filière et de renforcer l’autonomie des établissements scolaires, pour que les chefs d’établissements et les enseignants puissent adapter les programmes aux besoins des élèves. On préconisait également de rééquilibrer l’enseignement des langues et de mieux adapter l’éducation scolaire aux besoins du marché du travail.
L’OCDE constate que les mesures prises sur ces trois points-clés ont été modestes.
Concernant le marché du travail, seules des « réformes marginales » ont été mises en œuvre. Aucune mesure n’a été prise pour réformer le système d’allocations de chômage. Seule l’indexation des allocations de naissance, de congé parental et d’éducation a été suspendue jusqu’à la fin 2009.
Aucune mesure n’a été prise concernant l’ajustement des pensions (par exemple en fonction de l’âge d’entrée dans la vie active ou l’espérance de vie après la retraite). Le mécanisme d’indexation des retraites sur l’inflation est aujourd’hui appliqué avec un décalage dans le temps, ce qui se traduit par une légère réduction ponctuelle des taux de remplacement.
L’éducation est le seul domaine qui trouve grâce aux yeux de l’OCDE, qui salue les efforts entrepris, avec une éducation pré-scolaire désormais obligatoire à partir de quatre ans, et un accueil possible dans l’enseignement public à partir de trois ans. En 2005, un plan d’action a été établi pour renforcer les capacités des jeunes enfants en langue luxembourgeoise et en 2007 une série de réformes visant à améliorer l’enseignement linguistique et à réduire le nombre des redoublements a été adoptée.
L’OCDE avait également défini quatre autres grandes priorités, non fondées sur des indicateurs.
- Réduire les obstacles à la concurrence dans les services professionnels, en assouplissant les conditions d’autorisation et d’exercice, et en allégeant les obligations à satisfaire en termes de formation.
- Assouplir les règles, jugées trop strictes, sur la protection de l’emploi, notamment en simplifiant les dispositions qui régissent les licenciements individuels.
- Améliorer l’efficience du secteur public en recourant davantage aux analyses coûts-avantages et coût-efficacité, en continuant à développer l’administration électronique, à renforcer l’indépendance des gestionnaires et leur responsabilisation et à simplifier les procédures administratives.
- Réduire les obstacles à la concurrence dans le secteur des services d’accès au haut débit, en imposant une diminution des tarifs d’accès à la boucle locale et en réduisant la marge de manœuvre dont dispose l’opérateur historique de télécom, qui profite de cet avantage pour financer ses autres activités.
Sur ces quatre points, dont les deux derniers ont été relevés dès 2005, l’OCDE considère, de façon un peu surprenante, qu’aucune mesure n’a été prise. Ce qui ne signifie pas qu’aucune amélioration n’a été constatée, ni que des efforts ne sont pas actuellement consentis.
En dehors des domaines prioritaires où elle se montre critique, l’OCDE accorde un satisfecit au Luxembourg pour la conclusion des douze conventions fiscales bilatérales, donnant acte au Grand-Duché de ses « efforts substantiels pour appliquer les normes adoptées au niveau international en matière fiscale ».