Dans moins de trois semaines, les agents de sécurité de la firme Cobelguard devraient remplacer leurs collègues de G4S pour la surveillance des bâtiments de la Commission européenne à Luxembourg, au terme d’un appel d’offre remporté par la première. Un marché couvrant trois années. L’offre de G4S, qui détient le marché depuis novembre 2005, l’ayant soufflé à l’époque à Brinks, était de 150 000 euros supérieure à celle de Cobelguard. Il n’y avait pas photo pour les services de la Commission, qui ont donc pris le moins disant. Toutefois, l’offre de Cobelguard est émaillée de nombreux conditionnels, notamment en matière de recrutement de personnel de surveillance, la firme ayant tablé sur le transfert automatique du personnel actuellement sous contrat G4S. Le pari fut hâtif. Cobelguard ne disposant que d’un effectif d’une cinquantaine de personnes (selon un portrait de l’entreprise paru dans le Tageblatt le 22 février dernier), comment peut-elle assurer un marché avec la Commission européenne qui porte sur 185 équivalents temps plein ?
Le secteur du gardiennage, partiellement réglementé, n’est pas celui des techniciens d’entretien : les agents de sécurité ne peuvent pas, comme c’est le cas des femmes de ménage, conserver leur ancien poste ainsi que leurs droits sociaux tout en changeant d’employeur lorsqu’un marché public a échappé à leur précédent patron. Aussi, les dirigeants de G4S, voyant le marché de la Commission leur échapper, refusent de servir sur un plateau d’argent les agents nécessaires à la surveillance des sites communautaires, dans lesquels ils disent avoir investi pour leur assurer notamment une formation adéquate. « Nous ne sommes pas prêts à lâcher les collaborateurs que nous avons formés », a ainsi expliqué à L’Essentiel, Jean-Claude Juchem, l’administrateur délégué de G4S. Que vont faire ces gens une fois que le contrat avec le nouveau venu de la sécurité sera effectif ?
Compte tenu de l’impossibilité matérielle d’embaucher le personnel nécessaire d’ici trois semaines (le ministère de la Justice doit aviser chacun des CV des nouveaux embauchés qui ont à montrer une honorabilité sans faille), la Commission a provisoirement suspendu le contrat : « Nous devons encore examiner plusieurs points avant de signer » a expliqué dans la presse un responsable de l’office des infrastructures et de la logistique de la Commission. Quelque chose cloche en tout cas dans la mécanique, qui révèle d’ailleurs le peu d’application dont les services de la Commission ont fait preuve dans la procédure d’appel d’offre et le choix du candidat.
Cobelguard à Luxembourg est au cœur d’un litige devant le tribunal correctionnel et son concurrent G4S ne se prive pas de souffler sur les braises d’un feu qu’il a d’ailleurs lui-même allumé. Lundi 28 février, le patron de Cobelguard était appelé à comparaître, dans le cadre d’une citation directe, pour infraction à la législation du 12 novembre 2002 sur le gardiennage. L’affaire a été remise au 26 septembre prochain. Il s’agira d’ailleurs d’une des premières affaires instruites sous l’empire de la nouvelle loi sur la responsabilité pénale des personnes morales.
La citation directe vient de G4S qui a fait constater par huissier au courant de l’année dernière que la firme Cobelguard ne remplissait pas les conditions pour exercer l’activité de gardiennage au Luxem-bourg en raison des défaillances de sa centrale d’alarme, une des pièces maîtresses de toute entreprise de sécurité et de gardiennage. La centrale n’est pas assurée par deux personnes 24 heures sur 24 comme la loi le prévoit, accuse G4S, qui estime que le fait de faire l’économie de cette centrale, que la loi déclare pourtant indispensable au fonctionnement d’une entreprise de ce secteur, est susceptible de fausser le marché et la concurrence. Accusations que les dirigeants de Cobelguard démentent vigoureusement, en mettant eux aussi en avant des constats d’huissier assurant que les postes étaient occupés conformément à la loi. L’arbitrage se fera devant le tribunal correctionnel.
La police luxembourgeoise a d’ailleurs signalé au Procureur un certain nombre de points de non-conformité, mais n’a pas dressé de procès-verbal, se contentant d’une lettre à Jean-Paul Frising. De son côté, le Parquet n’a pas donné de suite à cette lettre. D’où la citation directe de G4S, qui avait également saisi le ministère des Classes moyennes et celui de la Justice. Après coup, Cobelguard a perdu l’un de ses deux agréments, celui de la centrale d’alarme. L’entreprise a toutefois conservé son agrément relatif à la surveillance des biens immobiliers, domaine qui concerne le contrat avec la Commission.