Est-ce la fin du rêve du Cercle Joseph Bech, think tank solidement ancré à droite du CSV, et de son ministre de l’Intérieur Jean-Marie Halsdorf, qui, en 2009, avaient imaginé un nouveau découpage territorial du Luxembourg ? Dans ce paysage communal plus efficace, les communes en-dessous de 3 000 habitants n’avaient plus leur place, les édiles communaux devaient être convaincus avec l’aide du chéquier étatique du bien-fondé d’une fusion avec une commune voisine afin d’atteindre cette masse jugée critique d’habitants et, à moyen terme, le nombre de communes devait baisser des 116 de l’époque à 71 entités (depuis les dernières fusions de 2012, il y en a 106). Ces fusions avaient un prix : 2 500 euros par habitant. Des sommes pensées pour moderniser les infrastructures de base des petites communes et qui partirent en grande partie dans des centres culturels multifonctionnels restant désespérément vides faute de budgets de programmation et dans des piscines wellness.
Vendredi dernier, 25 avril, le gouvernement Bettel-Schneider-Braz a décidé de réduire substantiellement ces sommes, avec, en plus, un tarif dégressif inversement proportionnel au nombre d’habitants. Durant une période transitoire, pour les communes qui décideraient de fusionner encore cette année, elles recevront 2 000 euros par habitant pour les 4 000 premières personnes, 1 500 euros jusqu’à 6 000 habitants et 1 000 euros au-delà. Entre 2015 et 2016, il n’y aura plus que deux paliers pour les petites communes. Le gouvernement réagit ainsi au cas Käerjeng – en 2011, les communes de Bascharage, 7 500 habitants, et Clemency, 2 200 habitants, fusionnèrent, permettant au nouveau grand village d’engranger 24 millions d’euros en subventions étatiques. Bascharage n’avait pas vraiment besoin de cette fusion, mais son maire et ancien ministre de l’Intérieur Michel Wolter (CSV) avait astucieusement utilisé cette faille dans le système. Désormais, une commune fusionnée de 10 000 habitants perdrait dix millions d’euros par rapport à l’ancien système, une commune de 6 000 habitants encore quatre millions. Elles auront moins d’attrait financier pour le faire.
De l’autre côté, le ministre de l’Intérieur Dan Kersch (LSAP), ancien maire de Mondercange et éphémère président du Syvicol (Syndicat des villes et communes), affirme toujours soutenir les fusions de petites communes et en promeut l’idée à travers champs lors des séances d’information qui ont lieu ces jours-ci dans les six communes qui envisagent de s’unir cette année. Le nouveau gouvernement imposant des référendums de consultation des citoyens avant toute loi sur la fusion, Boevange-sur-Attert et Tuntange (qui veulent s’unir sous le nom Helperknapp), Wiltz et Eschweiler et la commune de Septfontaines (seule, pour le moment, l’alliée potentielle Hobscheid ayant décidé d’attendre le résultat des voisins avant de faire le sien) en organiseront le même jour que les élections européennes, le 25 mai.
Les dépliants publicitaires de promotion des fusions se ressemblent tous : des images bucoliques promettent une qualité de vie toujours aussi élevée dans ces paisibles bourgades, mais les textes énoncent les défis d’une commune moderne au service du client avec peu de moyens. Celui pour la fusion entre Wiltz et Eschweiler lance des slogans comme: « Seuls, nous sommes forts. Ensemble, nous serons encore plus forts ! » La future commune veut investir l’argent étatique qu’elle estime à 11,4 millions d’euros dans la réduction de la dette. Une dette qu’Eschweiler, la petite alliée, a contractée avec son « programme d’investissement » dans, entre autres, un centre touristique, un café-restaurant et ...une piste de jeu de quilles (Le Quotidien du 27 février).
Wiltz est actuellement régie à la majorité absolue par les socialistes et leur député-maire Fränk Arndt. Mine de rien, le redécoupage territorial a aussi un enjeu politique, les communes rouges du Sud, libérales du centre et quelques écologistes dans les régions rurales ayant longtemps constitué un contre-poids à la domination chrétien-sociale sur le plan national. Freiner les fusions pourrait aussi cacher une ambition politique : celle d’endiguer le développement de trop grandes communes CSV du type Käerjeng. Ce n’est pas un hasard que l’analyse du nouveau système est prévue en 2017 – année des prochaines élections communales.