Six ans après la sortie de son premier long-métrage Mammejong et tout juste un an après le tournage de la série Coyotes, plébiscitée en Belgique et malheureusement inaccessible pour l’instant au Luxembourg, le réalisateur luxembourgeois Jacques Molitor nous a ouvert les portes du tournage de son nouveau film Kommunioun (production Les Films Fauves) au cœur de la Moselle luxembourgeoise.
C’est sur des airs de fanfare que nous arrivons sur le tournage du très attendu deuxième long-métrage de ce réalisateur à l’univers singulier qu’est Jacques Molitor. Il nous avait bouleversé dans son premier long, Mammejong, mettant en scène une relation incestueuse entre une mère et son fils. Au cœur de la Moselle, entre deux averses, nous assistons à une véritable fête du vin, au milieu du village pittoresque de Wellenstein. Tout y est pour y croire : la fanfare, le crémant qui coule à flot, les effluves de wäinzoossiss, le char transportant la reine du vin et ses dauphines sous les yeux enjoués des villageois. Le moteur coupé, tous les figurants remettent leurs masques, Covid oblige, et s’abritent le temps de l’averse. Jacques Molitor sort de sa tente pour donner quelques indications à la directrice de la photographie (Amandine Klee) et la scène reprend le temps de l’accalmie.
L’ambiance sur le tournage, malgré toutes les mesures mises en place pour tourner en temps Covid, est bon enfant, joyeuse, on oublierait presque, entre les scènes, que cette fête n’est que du cinéma. Une atmosphère qui détonne par rapport au genre du film, celui de l’horreur. « C’est un film qui flirte avec les genres et les codes, que je décrirais comme un film d’auteur et de genre. Un film naturaliste, plus réaliste que ce qu’on pourrait croire. Je parle avant tout de la société à travers un langage empreint des codes du film d’horreur », explique le réalisateur entre deux scènes. Au milieu des nombreux figurants représentant les villageois, nous apercevons la ribambelle d’acteurs du cru plus prestigieux les uns que les autres qui composent son casting : Marja-Leena Junker, Marco Lorenzini, Jules Werner, Charles Muller. À leurs côtés, un binôme inconnu du cinéma luxembourgeois, s’enlace entre les scènes, rit aux éclats, échange des gestes tendres. L’actrice belge Louise Manteau et le jeune Victor Dieu semblent incarner à la perfection leurs rôles principaux de mère et fils devant et derrière la caméra. « La distribution des rôles pour Jules, Marco, Marja-Leena et Charles a été une évidence pour moi par rapport à leurs personnages. Pour le casting de la mère et du fils, ça a été plus long, mais j’ai eu une chance incroyable, ils sont formidables. Victor avait été choisi pour le teaser du film en 2019, je ne pensais pas le garder pour le tournage et il s’est finalement avéré extraordinaire, c’est un talent né. Louise Manteau a été une découverte, je ne la connaissais pas avant le casting, mais c’est aussi une actrice à suivre absolument », ajoute le réalisateur.
Dans la gueule du loup
Le tournage ayant débuté il y a un peu plus d’un mois, la rumeur a enflé sur la présence exclusive d’un casting un peu particulier : deux loups. Une fois la fête de village remballée, nous sommes invités à aller à la rencontre de ce personnage hors du commun, à quelques encablures de là, dans une zone boisée. Dès le parking, on nous demande de garder le silence et de rester calme, l’acteur semble nerveux aujourd’hui et n’est pas enclin à se prêter à jouer de la scène qui lui est demandée. À l’opposé de l’équipe, dans un enclos bien fermé pour des raisons de sécurité et surtout pour éviter une fuite d’un des acteurs principaux du film, on se retrouve nez à nez avec Phébus, qui fait les cent pas au lieu de descendre la colline. On le sait, sur les tournages, il y a deux choses que les producteurs craignent par-dessus tout : tourner avec des enfants et des animaux, tout aussi imprévisibles les uns que les autres. Pour les enfants, ils s’en sortent à merveille cette fois-ci avec le jeune Victor Dieu, mais, alors que Phébus s’était montré très coopératif lors de ses scènes précédentes, il n’en fait qu’à sa tête ce jour-là, déconcentré par la présence de charognes dans les herbes hautes ou simplement ayant la tête ailleurs. La tension se fait palpable dans l’équipe réduite présente sur place, au fur et à mesure des tentatives des dresseurs de se faire obéir, mais les images voulues seront finalement au rendez-vous. Le pari est risqué, il faut accepter que parfois la nature ne peut s’adapter à l’humanité et c’est justement ce que nous découvrirons, avec hâte, dans Kommunioun.