On s’attendrait, avec un titre pareil, à un drame social sur fond de lutte des classes, comme il en existait alors tant en Italie au cours des années 1970. Il n’en est cependant rien. Mimi métallo blessé dans son honneur (1972), que l’on doit à la cinéaste Lina Wertmüller, aujourd’hui âgée de 92 ans, est en réalité une comédie grinçante qui déjoue les schémas politiques de l’époque. Point d’enjeu émancipateur pour la classe ouvrière ici, contrairement à ce que laisse croire l’ouverture du film où des travailleurs sont rudement exploités au sein d’une carrière de soufre. Parmi eux se distingue un homme fort en gueule, surnommé Mimi, qui fustige les pratiques mafieuses à l’œuvre dans un paysage sicilien qui s’y est depuis longtemps résigné. Car les vases communiquent parfaitement dans le Mezzogiorno entre la politique et le patronat, comme l’indiquent ces hommes déboulant en voiture sur le chantier pour rappeler le nom du candidat pour lequel les ouvriers doivent voter aux prochaines élections municipales... Sans quoi ils seront impitoyablement licenciés. Autant dire que le vote n’a rien de secret. Banni pour avoir apporté sa voix au parti communiste, Mimi est contraint de quitter sa famille pour rejoindre Turin, où il espère mener une vie meilleure. Comme tant d’autres émigrés venus du sud de l’Italie.
Issue d’une famille aristocratique suisse, Lina Wertmüller est une figure bien connue en Italie depuis les succès populaires rencontrés dans les années 1970. Elle est, en revanche, presque une inconnue en France où ses films sont quasiment tous passés inaperçus. La jeune cinéaste fait ses débuts auprès de Fellini, comme assistante sur le tournage de 8 1/2 (1963) et, sous cette élogieuse tutelle, réalise son premier long-métrage, le très remarqué I Basilischi (1963), sorte de Vitelloni se déroulant dans les Pouilles, qui lui permet d’obtenir une distinction au Festival de Locarno. Après quelques films féministes réalisés sous pseudonyme dans les années 1960, elle change de registre pour s’adonner à la comédie populaire, dont Mimi métallo constitue le premier échantillon, suivi de Film d’amour et d’anarchie (1973) et de Vers un destin insolite sur les flots bleus de l’été (1974). Pasqualino (1975) enfin, sur un malfrat napolitain devenu kapo d’un camp de concentration, fera de Lina Wertmüller la première femme réalisatrice nommée aux Oscars.
Dans le rôle de Mimi, Giancarlo Giannini, acteur fétiche, aux cotés de Mariangela Melato, qu’elle contribua à faire connaître et avec lequel elle tournera jusqu’en 1978. Bellâtre au regard perçant, et idéologiquement « flexible » (pour reprendre l’un des termes en vigueur aujourd’hui), Mimi le métallo a l’inconstance de Guignol. Les promesses révolutionnaires qui lui incombent au début du film sont rapidement déçues pour faire apparaître finalement l’opportunisme et la lâcheté de ce personnage ambivalent, plus occupé par sa carrière et son honneur que de défendre les intérêts des métallurgistes. Ainsi, après être devenu ouvrier et un militant communiste peu convaincu, il se rapproche du pouvoir mafieux pour s’affirmer comme un contre-maître soucieux de briser toute grève...
L’improbable dernière phase de cette comédie brouillonne, focalisée sur les traditionnelles dérives du Mezzogiorno (le sens de l’honneur, le virilisme, la mafia, la peur de l’homosexualité...), verse définitivement dans la farce grotesque. Comme souvent chez Wertmüller, la lâcheté et l’hypocrisie sont les vices qui accablent l’Italien du sud.