L’exposition Sang noir II chez Extrabold d’Olivier Cramm aka KOA, originaire de Lille, présente des dessins à l’encre sur papier d’univers chaotiques d’une noirceur glauque et comique où des monstres sont les maîtres et les humains leurs esclaves. Issu d’une formation de designer graphique, des beaux-arts, du street art et d’une école de communication, Cramm devient directeur artistique où il se perfectionne au web design puis intègre l’équipe Level Art. Il réalise le livre War of Monstars avec The Lazy Dog, hommage aux films japonais de Kaiju Eiga, « le cinéma des monstres ». Il a également créé avec DKOR un studio d’illustration et de design graphique appelé The Diamond Dandyz. L’exposition Sang noir II est dans la continuité de son travail, sans les couleurs vives utilisées habituellement et avec un penchant pour les dessins de tatouages. Interview avec Oliver Cramm.
d’Land : Pourquoi avoir utilisé la signature KOA (Kappa Omega Alpha) d’une fraternité estudiantine américaine comme pseudonyme ?
Oliver Cramm : C’est juste pour faire un pied de nez. J’ai toujours utilisé la symbolique franc-maçonne dans mes illustrations. Cette fraternité avait un beau blason que j’ai adopté et réadapté. KOA est aussi une déformation du mot japonais « Karoshi » qui signifie « mort au travail » (à prendre au second degré). Je travaille beaucoup sur mes illustrations et j’expérimente constamment de nouvelles techniques. Plus jeune quelqu’un m’a dit : « Un jour on va te retrouver mort sur tes feuilles de dessin ». Cela m’a amusé et j’ai décidé de l’exploiter.
Quelle est l’origine de votre intérêt pour des sources de représentations ésotériques, en rapport avec l’alchimie et l’oeuvre au noir, les contes immémoriaux et légendes héroïques et la science-fiction d’Alejandro Jodorowsky et de Philip K. Dick ?
Cela remonte à très loin. Chez mes grands-parents, il y avait des livres de Dürer, de Gustave Doré, de Goya ou encore de Jérôme Bosch. Plutôt que de lire des bandes dessinées, je préférais plonger dans l’univers de ces illustres artistes. L’intérêt pour les contes et légendes, la symbolique et la science-fiction, est venu un peu plus tard.
Dans l’exposition Sang Noir II vous reprenez des compositions célèbres d’oeuvres de l’histoire de l’art et notamment l’Apocalypse d’Albrecht Dürer (1497-1498) pour les transformer en paysages peuplés de monstres. Pouvez-vous expliquer ce que représente cette fusion graphique avec les grands maîtres de l’art et de la gravure ancienne pour vous ? Avez-vous fait d’autres projets similaires ?
C’est un hommage que j’ai voulu faire à un grand maître. Mes études et mon travail m’ont fait évoluer dans un univers tourné vers l’illustration artistique. L’origine de ces « remix » a commencé avec mes personnages dessinés dans un style de gravure et avec la découverte de l’œuvre de Dürer. J’ai voulu transposer mon imaginaire avec le sien. J’ai fait cette première série de six œuvres visibles dans l’exposition que je compte continuer pour aboutir à une édition. Après l’Apocalypse, je prévois de travailler sur un autre grand classique : les Caprices de Francisco de Goya (1799).
Dans l’exposition, il y un crâne noir avec des dents dorées... pouvez-vous nous dire de quoi il s’agit ?
Les vanités et le « memento mori », c’est aussi une référence importante pour moi dans l’histoire de l’art. Le crâne est présent partout dans toutes les civilisations et depuis la nuit des temps, on le vénère. Petit, il nous fascine, vieux, il nous fait peur car il n’est que le reflet d’une vie qui arrive à sa fin.
Pourquoi cette fascination pour le dessin de tatouage et la peau, doit-on toujours trouver une forme de travestissement selon vous aujourd’hui ?
Cette fascination vient directement de mon travail : Je pense encre, je vis encre et je travaille avec de l’encre. C’était donc normal pour moi. Selon moi, le tattoo n’est pas un travestissement, même si pour certains, c’est une façon de s’affirmer. Pour d’autres, c’est le côté esthétique des dessins qui compte. Je considère le tattoo comme un acte réfléchi. C’est une chose encrée dans ma vie depuis des années. La peau, en elle, est un support comme un autre et représente une forme d’expression ancestrale.