Fonds de garantie

Un risque systémique pour l’assurance

d'Lëtzebuerger Land du 03.03.2011

Depuis juillet 2010 et sous l’effet de la crise dans les milieux bancaires, la Commission européenne s’efforce de faire dans l’activisme sans bien évidemment toucher le fond du problème. Ainsi, elle publie en juillet 2010 un livre blanc portant sur l’instauration d’un régime de fonds de garantie d’insolvabilité au niveau du secteur de l’assurance. Tout en reconnaissant que « le secteur de l’assurance n’a pas été à l’origine de la crise, mais n’a pas été pour autant épargné et que la directive Solvabilité II ne garantira pas le ‘zéro défaut’, elle motive sa décision en donnant à considérer que :

– des régimes de garantie existent dans d’autres secteurs des services financiers ;

– seuls douze pays de l’Union européenne disposent d’au moins un régime général de garantie des assurances, environ 26 pour cent du total des polices d’assurance vie et 56 pour cent du total des polices d’assurance non-vie ne bénéficient d’aucune protection et (si existante) la protection offerte varie souvent d’un régime à l’autre ;

– l’absence d’harmonisation (…) prive les consommateurs d’une protection efficace et équitable ; cette situation pourrait (…) à terme également entraver le fonctionnement du marché intérieur de l’assurance en faussant la concurrence transfrontalière ;

– le livre blanc fixe un cadre cohérent pour une initiative de l’Union européenne relative à la protection des preneurs d’assurance et des bénéficiaires (par les FGI) afin d’obvier à la nécessité de recourir à l’argent des contribuables. »

Ces considérants, qui a priori résonnent comme une protection accrue du preneur d’assurance et ipso facto du consommateur, tiennent-ils la route ? Trois arguments s’y opposent :

1 Le fonctionnement du secteur de l’assurance diffère fondamentalement de celui du secteur bancaire.

Les compagnies d’assurances perçoivent des primes en amont de toute indemnisation potentielle et suivent une logique de financement à long terme ; un risque de liquidité similaire aux établissements bancaires (qui se doivent de se refinancer mutuellement en permanence et à court terme) n’existe pas. Les compagnies d’assurances ne sont ainsi généralement pas interconnectées de sorte que les liens d’interdépendance sont très rares et non susceptibles d’entraîner un risque systémique. Devant ce fait, il devient extrêmement hasardeux de vouloir introduire un système de mutualisation des risques au niveau du marché.

2 Solvabilité II est en train d’être mise en place. Pour augmenter la sécurité des opérations, Solvabilité II requiert indi­viduellement de chaque acteur une capitalisation adéquate en fonction de chaque risque pris. Il s’ensuit un risque de marché additionnel auquel les compagnies d’assurances se verront confrontées, de surcroît difficilement quantifiable. La création d’un fonds de garantie peut ainsi avoir des effets pervers à contre-courant de l’initiative en induisant un risque systémique au niveau du marché inexistant pour l’heure.

3 Au grand-duché, le secteur de l’assurance est un marché très fortement contrôlé. Vu la concentration et la taille très restreinte du marché luxembourgeois et l’hétérogénéité des acteurs et des marchés de niches qu’ils desservent, les compagnies d’assurances de taille moyenne ne pourront pas être en mesure d’absorber les coûts engendrés par la défaillance d’un acteur d’envergure.

Finalement, et avant tout autre progrès en cause, ne faudrait-il pas attendre les premières conclusions de l’impact du nouveau régime de Solvabilité II avant de réfléchir à des prétendus systèmes de protection additionnels ? Faire le contraire revient à enlever toute crédibilité à une initiative qui s’installe à grands frais !

L’auteur est le directeur de l’Association des compagnies d’assurances
Paul Hammelmann
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