Les frontières sont assurément changeantes pour délimiter en matière d’investissements immobiliers, ce qui relève de la gestion d’un patrimoine privé et ce qui entre dans une activité commerciale. La différence du point de vue du traitement fiscal est importante et alimente de nombreuses d’affaires devant les juridictions administratives. L’un des derniers dossiers bouclé par la Cour administrative mérite un petit éclairage (affaire 28 901, arrêt du 13 décembre 2011).
Les époux mettaient en cause un bulletin d’impôt sur le revenu pour 2004, dans lequel l’Administration des contributions directes avait établi leur revenu net imposable à 2,060 millions d’euros et les avait imposés pour un montant de 403 213 euros. Le couple avait contesté ce bulletin, dans une première étape devant le directeur de l’ACD, en raison notamment de divergences de vues sur le bénéfice de cessation, le revenu de capitaux mobiliers et le revenu net de location. À défaut d’avoir obtenu une réponse dans les délais requis, ils ont saisi dans une seconde étape le tribunal administratif, qui leur avait donné partiellement raison en réformant le bulletin 2004, considérant qu’il n’y avait pas, dans le chef de l’époux, d’activité commerciale ; les opérations immobilières réalisées relevant de la sphère privée du couple. Condamné à payer une indemnité de procédure, l’État avait alors interjeté appel.
Au centre de l’affaire : un complexe résidentiel de plus de dix appartements construit de A à Z et partiellement revendu. L’État a considéré que la copropriété des époux faisait partie d’un « grand projet immobilier » résidentiel qu’ils ont développé à la fin des années 1990 : 103,90 ares répartis en six lots, dont certains feront l’objet, alors qu’ils n’étaient pas encore construits, d’un transfert de propriété. Dans un second temps, une fois le complexe résidentiel sorti de terre, le couple opta pour faire passer une partie de ce patrimoine foncier dans son patrimoine privé. On est en février 2002 : ils vendent à une sàrl qui leur est proche une partie du terrain destiné à accueillir plus tard la copropriété. Une fois que la résidence de dix appartements sera construite, ils en rétrocéderont en 2009 trois à leurs enfants. Un appartement sera vendu en 2003 à un tiers pour 440 000 euros et les neuf autres seront loués.
Le bureau d’imposition va toutefois considérer, du moins pour l’année 2004, les activités immobilières privées du couple comme la « continuation » de ses activités commerciales habituelles, mais en nom personnel.
Du point de vue fiscal, ça signifie une imposition au titre du bénéfice commercial, plus forte que si elle était passée en une activité relevant de la gestion d’un patrimoine privé. L’agent du fisc avait d’ailleurs fait savoir ses intentions de procéder ainsi dès l’imposition de l’exercice 2002. À cette époque, le couple n’avait pas jugé utile de contester son bulletin d’imposition, de sorte qu’il est devenu définitif et donc incontestable. Ce n’est qu’après l’exercice fiscal 2004 que tout « rentrera dans l’ordre » et que l’administration fiscale acceptera que la copropriété relève du patrimoine privé du couple.
Pour la Cour administrative, il y avait en tout cas en 2004 un intérêt financier évident pour le couple de faire passer dans son patrimoine privé des biens immobiliers avec effet au 15 mars 2002: les terrains à l’époque n’étaient pas construits, la résidence n’ayant été achevée qu’à la fin de l’année 2003.
La facture à régler à l’Administration des contributions sera bien de plus de 400 000 euros.