Ce sera le dernier acte politique du ministre de l’Économie et du Commerce extérieur Jeannot Krecké, LSAP, qui est est l’une des chevilles ouvrières : il a présenté, avec son homologue des Finances, Luc Frieden, CSV, hier jeudi aux députés, puis à la presse, le projet de fonds consacré à l’innovation, Luxembourg Future Fund, dans lequel l’État, à travers la Société nationale de crédits et d’investissements, mettra 120 millions d’euros, un complément de 30 millions devant encore être versé par le Fonds européen d’investissement (FEI). Ce qui lui donnera une taille de départ de 150 millions d’euros, en attendant peut être des apports de fonds supplémentaires du secteur privé, qui ne s’est visiblement pas bousculé au portillon, attendant sans doute que le secteur public prenne les risques en premier. Rien n’est fermé, mais les dioscussions qui ont eu lieu avec des acteurs du private equity, présents au Luxembourg, ont jusqu’à présent tourné court pour faire partie d’une initiative à saluer, même si elle apparaît un peu tardive. Le ticket d’entrée pour les éventuels co-investisseurs du secteur privé n’est pas à la portée de n’importe qui : 50 millions d’euros, selon Jeannot Krecké.
Le tour de table n’est pas, à ce stade, définitif ; le FEI a donné son accord de principe, mais n’a pas encore formellement signé avec la SNCI. Comme Jeannot Krecké est sur le départ et passera le mois prochain le relais à Étienne Schneider, LSAP, il tenait tout de même à pouvoir présenter publiquement les grands principes du fonds Innovation, qui implique également le ministère des Finances, qui a débloqué les fonds en alimentant les fonds propres de la SNCI.
L’objectif de ce nouvel instrument de la boîte à outil de la SNCI est bien sûr de soutenir la diversification économique, fil rouge des mandats successifs de Jeannot Krecké à l’Économie, et d’attirer au Luxembourg des entreprises innovantes, quel que soit leur secteur d’activité. Il n’y aura toutefois pas d’investissement dans les biotech-nologies, ce secteur étant traité séparément : un fonds, également présenté jeudi, sera dédié à ce secteur avec une enveloppe de 25 millions d’euros. Ici, il s’agira d’un investissement dans un fonds britannique déjà existant, Advent Life Science, dans lequel la SNCI et la banque publique BCEE ont déjà investi dix millions de dollars. Avec l’enveloppe de 25 millions d’euros, le Luxembourg aura droit à un mandat dans l’advisory report, mais pas dans le conseil d’administration. Cette place devrait donner aux acteurs publics des biotech une certaine exper-tise, histoire par la suite, lorsqu’ils seront amenés à aviser des projets d’investis-sement, de ne pas être à la merci des boniments d’opérateurs privés à la recherche de capital risque facile.
Luxembourg Future Funds n’est donc pas un fonds souverain au sens traditionnel, l’idée sous-jacente n’étant pas qu’il rapporte directement de l’argent et alimente les caisses de l’État, même si c’est une consi-dération du ministère des Finances. C’est d’abord un instrument économique. Non pas qu’il ne vise pas la rentabilité : le fonds à capital risque investira dans des activités offrant des perspectives de rentabilité financière, tout comme un fonds ordinaire. Autre but explicitement recherché : les investissements réalisés à l’étranger doivent, à plus ou moins court terme, produire des retombées économiques au Luxembourg, en termes de création d’emplois et d’entreprises. Il s’agit aussi, en mettant de l’argent sur la table, de se créer un réseau à l’international auprès des entrepreneurs en herbe et de leurs mentors.
Le fonds innovation, qui revêtira la forme juridique d’un fonds d’in-vestissement spécialisé tombant sous le contrôle de la Commission de surveillance du secteur financier, devrait disposer de plusieurs compartiments afin de départager entre les investissements directs dans des start-up et ceux qui seront réalisés à travers des fonds d’investissement ou encore les projets de co-investissement avec des sociétés financières. La présence du FEI à hauteur de 30 millions d’euros imprime d’abord à l’initiative une marque de sérieux et de compétences dans les domaines visés. La gestion du fonds lui sera d’ailleurs confiée, de manière à ce que les investissements soient gérés en toute indépendance. Le comité d’investissement, mis en place sous le conseil d’administration, pourra seulement proposer un projet ou en refuser. Il n’y a pas de place ici pour le favoritisme. Le fonds devrait être opérationnel à la fin du premier semestre 2012 pour pouvoir démarrer ses premiers investissements à la fin de l’année.
D’où vient l’argent ? L’État vient de libérer une tranche du capital social souscrit de la SNCI de 91 millions d’euros qui serviront, avec d’autres fonds propres, aux investissements. Sur le plan politique et par ces temps de disette budgétaire, Luc Frieden n’encourt pas la critique, puisqu’il investit ici en partie, même si ce n’est pas fait directement, l’argent tiré de sa participation dans BGL BNP Paribas, qui a rapporté 140 millions d’euros l’année dernière. Manière de faire participer les banques à la grande cause nationale qu’est devenue la diversification économique du pays.