Amener une construction, individuelle ou multiple, à porter le qualificatif de « passive » exige un certain nombre de dispositifs et un véritable « rééquilibrage », un remaniement du carnet de chantier, dans un premier temps, mais aussi du quotidien, ensuite. Comment vit-on au jour le jour dans ce genre d’habitation encore exceptionnelle de par sa rareté ? Les Witry-Bailleux sont propriétaires et habitants d’une maison passive à Osweiler, une bourgade située à quelques kilomètres de la ville d’Echternach et en font l’expérience depuis quatre ans.
Pour le couple, il s’agissait en premier lieu de choisir un mode de vie et donc d’habitation le plus respectueux possible de l’environnement. Leur choix s’est donc très rapidement porté sur une maison passive. En 2004, les Witry ont entamé la planification de leur nouvelle demeure, dans le courant de l’année 2006, ils ont pu y emménager. Entre ces deux échéances, le parcours fut jalonné de pas mal d’obstacles. Difficile, en effet, de trouver en 2004, alors que la construction « écologique » n’en est qu’à ses balbutiements, des corps de métiers disposant du savoir-faire et de l’expérience nécessaires à la bonne élaboration d’un tel projet. Pas évident non plus, de dénicher la perle rare, l’architecte, le concepteur, l’ingénieur, qui partageront la même philosophie, la même idéologie en la matière et œuvreront dans cette logique et optique.
Mais une fois la construction achevée et les lieux investis, comment vit-on dans une telle bâtisse ? « Pour ma part, j’ai l’impression d’avoir moins froid que dans une construction massive de type conventionnel » confie Marc Witry. Ce qui peut étonner les spécialistes parce qu’en principe une construction massive, en pierre, préserve bien mieux la chaleur des attaques du froid. « C’est le fait de ne pas voir de pierre, je pense, répond le propriétaire des lieux, car je l’associe volontiers au froid. Mais c’est vrai, c’est purement subjectif. Notre façade, en effet, est composée d’un savant alliage de bois et de plâtre de 51 centimètres d’épaisseur, ce qui n’est tout de même pas rien. Rien à voir, néanmoins, avec des parois en pierre de la même grosseur. »
Lorsqu’il est question justement de température(s), Doris Witry-Bailleux concède qu’il s’agit là l’un des principaux désavantages de leur habitation. La température ambiante était, à l’origine, sensiblement la même dans toutes les pièces. Or, tout le monde sait que certaines salles gagnent à être plus chauffées (salle de bains, par exemple) et d’autres moins (comme les chambres). Voilà pourquoi il a fallu, dans le cas bien précis de cette maison, recourir a posteriori à des équipements adjuvants supplémentaires (radiateurs électriques), pour assurer un niveau certain de température à certains moments de la journée et pour certaines pièces.
Pour optimiser le fonctionnement de ce fameux système de ventilation dont cette maison est naturellement également dotée, ses deux occupants ont eu besoin d’une période d’acclimatation, d’apprivoisement. C’est ainsi qu’ils ont appris à gérer, respectivement manier, voire manipuler la et les températures ambiantes en n’ouvrant aucune fenêtre en hiver par exemple, quand il fait froid, et en éteignant la ventilation en journée pendant la saison estivale et pouvoir ainsi « travailler » avec la température extérieure. Ou bien, dans la cuisine, par exemple, laisser la porte du lave-vaisselle grande ouverte lorsque celui-ci a terminé son programme, en hiver, car la vapeur qui s’en dégage réchauffe instamment la pièce, mais veiller à très vite la refermer, voire ne pas l’ouvrir jusqu’à son refroidissement complet, en été, au risque d’avoir une cuisine en surchauffe. À cette astuce s’ajoutent beaucoup d’autres qu’on apprend à connaître et à utiliser à bon escient au fil du temps passé dans une telle habitation.
Si c’était à refaire, au vu de l’expérience avec leur maison actuelle, est-ce que le couple construirait enco-re une maison passive ou plutôt une construction conventionnelle ? « Absolument une maison passive, affirment les maîtres de maison, très enthousiastes, mais certaines choses auraient dû être planifiées, gérées différemment. Nous avons, par endroits, été mal et/ou insuffisamment conseillés, aiguillés. Nous avons dû, pour certains équipements de logique « passive », prendre nous-mêmes des initiatives, nous informer, aller à la recherche et à la rencontre de corps de métiers à l’étranger (Allemagne, Autriche, …). Mais, il faut le souligner, c’était en 2004, et depuis, pas mal d’eau a coulé sous les ponts… Heureusement. »
« Mais, assure par ailleurs le propriétaire, ce qu’il faut également retenir, c’est que la mise en œuvre et la construction d’un tel projet implique un certain nombre de compromis, voire de sacrifices. Je suis par exemple un grand amateur de plafonds très hauts. Or, ce n’est pas forcément ou difficilement compatible avec une visée plus écologique de l’architecture. Nous avons bien dû nous rendre à l’évidence : certaines de nos attentes, architecturalement parlant, étaient difficilement réalisables, voire liées à des surcoûts, comme notre toit que nous n’avons pas souhaité plat ou faiblement incliné mais très « conventionnel », en pente, contre l’avis des concepteurs de notre projet. »