Le secteur de la production vit actuellement une mutation en profondeur. Il ne s’agit pas de l’une de ces révolutions spectaculaires qui changent la donne brusquement du jour au lendemain mais plutôt d’un cheminement progressif. Cette mutation a un nom : le durable.
Le durable, ou développement durable, consiste à promouvoir le progrès économique dans le respect de l’environnement et de la personne humaine. Cela comprend non seulement l’environnement mais aussi toutes les bonnes pratiques sociales et la responsabilité sociétale d’entreprise. C’est la raison pour laquelle cette notion est indissociable de celle d’éthique. Le durable est devenu, de ce fait, incontournable. La question n’est plus de savoir si le durable est opportun ou non, s’il est intéressant d’un point de vue économique, mais de l’intégrer dans tous nos processus car désormais, on ne pourra plus s’y soustraire.
À l’horizon 2019, tous les nouveaux bâtiments devront être à énergie positive. Cela signifie que ces bâtiments, sur une année, devront avoir un impact neutre ou positif en termes de consommation d’énergie primaire. En raison de cette échéance, mais aussi du contexte éthique global associé au développement durable, la construction durable n’est plus seulement une tendance mais une nécessité. Elle s’inscrit dans une perspective à la fois économique et relationnelle entre les différents acteurs de l’immobilier : investisseurs, promoteurs, locataires et gérants.
Les immeubles certifiés ou labellisés forment une classe à part, et dans les sphères financières, il se dessine une tendance consistant à les noter différemment que les autres. Désormais, les actifs respectueux de l’environnement (ou verts) n’auront plus la même valeur économique que les autres. D’ores et déjà, les cabinets d’audit, dans leurs processus d’évaluation financière des immeubles, intègrent les critères liés à l’environnement. Pour un investisseur, le vert est une préoccupation non seulement sociétale et humaniste mais aussi de rendement pour ses placements et de rentabilité à la revente.
La tendance pour l’investisseur est à l’achat vert. D’après une enquête publiée le 1er février 2010 par le fonds Union Investment Real Estate de Hambourg, fonds qui fut le plus actif en 2009 avec 1,6 milliards d’euros d’actifs achetés, soixante pour cent environ des investisseurs en France, en Allemagne et au Royaume-Uni s’inscrivent dans cette politique.
La demande étant là, les constructions durables vont donc se multiplier. Actuellement, à Luxembourg, il y a un bâtiment certifié BREEAM (le siège de la Banque européenne d’investissement au Kirchberg), deux bâtiments certifiés HQE (le Vertigo et le Serenity). Un autre immeuble vert est en cours de construction ; il sera certifié simultanément DGNB (réglementation allemande), HQE, et BREEAM. Mais cela n’est pas sans conséquence technique. En effet, la construction d’un immeuble durable est un défi technique. On ne peut pas construire des immeubles durables à la chaîne, en les répliquant à la manière d’un copier-coller. Chaque immeuble est un prototype en soi et sa certification verte, quelle qu’elle soit (HQE, LEED ou autres), commence dès la phase de conception et requière une équipe projet très active en phase amont.
Le principe de la construction durable repose sur trois piliers : préparation, adaptation, et anticipation. Préparation puisque l’immeuble doit être construit avec les bons matériaux ; adaptation pour tirer un profit maximum de l’environnement topographique, climatologique, et géologique dans lequel il se trouve ; anticipation enfin, puisque il faut mettre en œuvre toutes les dispositions techniques nécessaires, comme les détecteurs de fuites et la régulation, pour éviter les pertes d’énergie et l’incidence sur la nature.
Par sa conception plus complexe, et en raison des défis techniques, la construction d’un immeuble durable coûte aujourd’hui plus cher, de l’ordre de dix pour cent environ, que celle d’un immeuble traditionnel. Cela changera probablement à l’avenir car on peut imaginer des dispositifs fiscaux, telle que la sur taxation des matériaux non durables, qui inciteront financièrement à construire vert. Cependant, la donne actuelle est la suivante : construire vert présente, pour le promoteur, un surcoût. Le promoteur se trouve donc face à un dilemme : construire plus cher un immeuble de conception traditionnelle mais prendre le risque de ne pas pouvoir le vendre à un investisseur ou bien construire vert mais revoir ses marges à la baisse lors de la vente.
Dans ce contexte, les promoteurs sont prêts à consentir à un effort financier significatif mais ils ne veulent pas être les seuls à le faire ; d’où leur souhait de solliciter également les investisseurs en leur demandant d’acheter les immeubles verts plus cher. Mais cela aurait une répercussion immédiate sur les locataires, car, pour rentabiliser un immeuble acheté plus cher, l’investisseur n’aura d’autre choix que d’augmenter les loyers.
Un locataire souhaitant occuper un immeuble vert a donc une forte probabilité de se voir proposer un loyer plus cher que dans un immeuble traditionnel équivalent situé à proximité. Va-t-il cependant rejeter d’emblée une telle possibilité ? La réponse est non. Le respect du durable est l’un des points importants de la responsabilité sociétale d’entreprise. Occuper un immeuble vert devient donc un impératif éthique. Cela dit, l’aspect financier n’est pas absent de la réflexion du locataire. Car si j’achète quelque chose plus cher, je dois m’attendre à quelque chose de plus en retour. Louer une surface dans un immeuble vert, c’est payer pour un confort accru pour ses salariés, pour un plus grand respect de l’environnement, pour la sauvegarde de la santé. En d’autres termes, il s’agit de payer pour des entités qui ne sont certes pas palpables, qui ne sont pas quantifiables immédiatement, qu’on ne peut pas chiffrer sur-le-champ en termes financiers, mais qu’une entreprise socialement responsable ne peut pas ignorer.
Outre cet aspect éthique, le locataire est également motivé par la diminution des charges. Avec un immeuble vert consommant moins qu’un un immeuble classique (en moyenne 0.70 euros HT / m² / mois contre 1.70 euros HT / m² / mois (énergies primaires) il peut espérer récupérer le surcoût du loyer par des charges moindres ; cela ne remettant pas en cause l’équilibre économique général du bail. Ces différentes raisons expliquent la motivation pour les locataires d’occuper un immeuble vert. Cette recherche du durable s’étend au-delà des immeubles dotés d’une certification environnementale. En effet, les locataires d’immeubles existants, non verts, aspirent à les rendre moins gourmands en énergie et plus respectueux de l’environnement.
Par une simple amélioration des comportements des utilisateurs, et par une optimisation de la gestion technique (diminution des plages horaires d’éclairage, révision des plages horaires de chauffage...), le département Property Management de Property Partners a pu obtenir des résultats probants comme vingt pour cent de consommation en moins pour le chauffage.
Les propriétaires sont tout disposés à accompagner les locataires dans cette démarche de diminution de la consommation d’énergie et ce, pour deux raisons. En premier lieu, un immeuble tendant vers le vert, aura une meilleure valorisation et, en second lieu, l’argument énergétique peut être un argument de choix du locataire au moment de la renégociation du bail.
Cette nouvelle démarche conduit à une nouvelle manière d’envisager la gérance. On ne peut plus se contenter d’un aspect exclusivement administratif. Il faut sensibiliser, responsabiliser et accompagner les différents acteurs, en particulier les locataires qui souhaitent faire des économies d’énergie. Par ailleurs, la gérance se doit d’être pragmatique et très technique. Car la démarche du durable est avant tout une démarche technique et rationnelle. La gestion d’un immeuble durable ou l’optimisation énergétique d’un immeuble classique relève plus du pilotage précis que de la simple conduite des installations. Le durable est une approche humaine, technique et pratique.