Si l’on se doutait bien que les opérateurs téléphoniques n’étaient pas motivés que par leur volonté de rapprocher les gens dans un irrépressible élan de philanthropie, il a suffi de voir les tarifs de SMS baisser de 80 pour cent en quelques années ou de jeter un coup d’œil au classement des milliardaires publiés tous les ans au mois de mars par le magazine Forbes pour se dire que les niveaux de marge des Orange, Vodafone et autres Telefonica étaient (et sont peut-être encore) dignes du score électoral d’un référendum d’autodétermination de la Crimée.
L’élimination des frais de roaming, proposée le 18 mars dernier par le Parlement européen, pourrait entrer en vigueur à partir du 15 décembre 2015. Dans l’attente de l’adoption de textes définitifs, on peut imaginer que cela pourrait se traduire par le fait que les prix des communications ne dépendraient plus du pays d’Europe depuis lequel vous passez ces communications. Cela pourrait donc également signifier que vous auriez tout à fait intérêt à souscrire un abonnement dans n’importe quel pays européen, même si c’est principalement pour appeler et être appelé depuis Luxembourg. Il suffirait que l’offre soit plus intéressante que les offres locales. Quand on sait que, en France, l’opérateur Free propose des forfaits mobiles à deux euros par mois, qui comprennent notamment deux heures d’appels vers une centaine de pays, cela laisse songeur.
Inévitablement, on commence à regarder sur Internet les forfaits proposés par les pays voisins, surtout ceux des opérateurs existant au grand-duché (Orange, Numericable, Proximus/Tango…). Et c’est parti pour le cauchemar. C’était déjà compliqué de s’y retrouver entre toutes les options pour savoir s’il fallait mieux s’engager 24 mois avec des appels vers les fixes compris vers le Luxembourg mais pas vers les autres pays d’Europe sauf si vous prenez l’option « easy life » (sic) à 9,99 euros qui inclurait alors 150 minutes de communications (comptées par tranches de 30 secondes) sauf vers les mobiles ou s’il ne valait pas mieux plutôt opter pour un contrat de 36 mois avec SMS illimités et appels gratuits vers le réseau mobile et fixe d’un autre opérateur qui, en plus, inclurait la télévision. À l’avenir, pour choisir intelligemment, il faudrait évaluer s’il ne vaudrait pas mieux opter pour un contrat suédois, slovène ou maltais… La barrière de la langue ne devrait pas être dramatique, étant entendu que personne ne lit les contrats avant de les signer, mais il va falloir comparer entre, disons, cinq à dix offres par pays, multipliées par une vingtaine de pays. L’étude des 500 forfaits et de leurs variables d’ajustement (sans compter le risque de change pour les pays hors zone euro) va nécessiter des études supérieures avancées… et ne sera jamais terminée avant qu’une nouvelle offre ne soit proposée chez un des opérateurs !
Finalement, sans aller jusque-là, on pourra au moins se réjouir de la disparition des e-mails qui vous coûtaient trois euros parce qu’ils contenaient la présentation de cinquante photos de coucher de soleil en pièce jointe et que vous aviez fait l’erreur de les consulter à Mondorff plutôt qu’à Mondorf.