À voir la mise en scène savamment orchestrée par la Fondation François-Élisabeth, l'impression que le projet de l'Hôpital Kirchberg se trouve dans sa dernière ligne droite prévaut. Les affirmations, très fermes, du président de la Fondation exploitant de l'hôpital, le Dr Raymond Lies, ne laissent, a priori, aucun doute : la clinique privée Émile Bohler - spécialisée en gynécologie-obstétrique - sera intégrée dans le projet ; le centre national de néonatologie, qui devra être scindé en deux pour la cause, aura sa place dans la future infrastructure hospitalière ; en gros, le projet sera réalisé comme initialement prévu à l'exception de la chirurgie cardiaque. Ces déclarations, faites mardi dernier à l'occasion de la pose de la première pierre du futur complexe hospitalier - où hormis le président de la Chambre des députés Jean Spautz, aucun haut dignitaire du PCS était présent -, ne cadrent cependant pas exactement avec la réalité de la politique de Santé gouvernementale.
Ainsi, Lies a fait à plusieurs reprises état du « feu vert » accordé par les autorités administratives et politiques, se basant sur des accords conclus et le plan hospitalier. Or, le plan hospitalier est sous le coup d'un moratoire, et selon le ministre de la Santé, Carlo Wagner, « la répartition des différents services hospitaliers, qui se fera par région et non pas par hôpital, sera déterminée par le nouveau plan hospitalier actuellement en phase d'élaboration ». Lies était bien inspiré, en évoquant les accords conclus, de rappeler la formulation latine chère à la CGFP (« pacta sunt servanda », les contrats doivent être honorés). Le syndicat des fonctionnaires publics avait obtenu gain de cause (du point de vue moral) devant le tribunal parce que le gouvernement était contrevenu à l'engagement d'un gouvernement antérieur de ne pas toucher au régime des fonctionnaires. Les accords cités par Lies lient le gouvernement précédent et tombent donc sous la coupe du moratoire.
Mais pas tous les contrats engagent le gouvernement. L'accord concernant le transfert partiel du service national de néonato-logie, datant de 1995 et qui avait failli créer une révolution au Centre hospitalier (CHL), avait été conclu entre le président du Conseil d'administration du CHL de l'époque, Marcel Reimen, et Raymond Lies. Or, de par son statut d'hôpital général, le CHL - et la maternité y intégrée - devra assurer un service de néonatologie. Étant donné que la néonatologie n'est concernée que par quelque 35 à quarante cas par an, la scission d'un tel service apparaît au moins comme aventureuse car contraire à la recherche d'efficacité et de qualité chère au ministre Wagner. Or, sans néonatologie, la venue de la clinique Bohler serait compromise.
La seule autorisation respectivement le seul acquis dont profite actuellement l'Hôpital Kirchberg est l'autorisation ministérielle concernant la construction, c'est-à-dire les gros-oeuvres. Pour les services hospitaliers offerts, rien n'est encore décidé en ce qui concerne les autorisations ministérielles nécessaires. La commission hospitalière et les consultants extérieurs rendront une première esquisse de la nouvelle planification hospitalière dans les mois à venir, sur base de laquelle le ministère décidera des attributions.
Tout laisse à croire que les responsables congréganistes veulent soit créer un précédent, soit mettre la pression sur les décideurs politiques. La véritable inconnue dans ce dossier réside dès lors dans l'attitude des partis gouvernementaux. Car si le ministre de la Santé libéral dit jouer la carte de la restructuration du paysage hospitalier luxembourgeois pour arriver à une gestion qualitative, le PCS a jusqu'ici pris parti corps et âme pour le projet du Kirchberg dont l'archevêché est le plus important promoteur.