UE-Sanctions contre la France ?

L’austérité peut attendre

d'Lëtzebuerger Land du 08.03.2013

Les Français sont de plus en plus mécontents de la politique économique et sociale de leur gouvernement. Près de trois quarts, selon un dernier sondage pour la chaîne de télévision LCI des personnes consultées, n’attendent pas grand-chose des mesures anti-crise décidées ou prévues. Dans ce contexte plutôt morose, il n’est donc pas étonnant de constater que parallèlement, le taux d’opinions positives à l’égard du Président, François Hollande, soit tombé à 30 pour cent; Même Sarkozy n’avait pas fait pire. Fait aggravant : Hollande déçoit désormais 44 pour cent de ses propres électeurs de mai 2012, selon un autre sondage. On s’aperçoit déjà que ce n’est pas la guerre au Mali qui sauvera son aura et son image. Ce sont les performances et les prévisions économiques qui comptent avant toute autre chose pour les Français. Hollande a promis un inversement de la tendance, la sortie de la crise et du chômage de masse. Il n’en est rien pour le moment, et les prévisions de croissance de l’Union européenne ne sont pas de nature non plus à rendre les Français plus confiants.

Selon ces prévisions des performances économiques, la France ne sera probablement pas en récession comme la zone euro dans son ensemble, mais avec une croissance française estimée à 0,1 pour cent seulement d’ici la fin de l’année, elle restera en stagnation. Le gouvernement se disait réaliste et prudent en tablant sur une augmentation du PIB de 0,8 pour cent pour le budget de 2013. Finalement, c’était encore bien trop optimiste, car la crise est loin d’être terminée. Logiquement, l’objectif budgétaire d’un déficit en-dessous des trois pour cent du PIB est hors de portée pour 2013 et – sauf miracle – également pour 2014.

Pour cette année, l’UE se verra contrainte de tolérer un déficit en France de 3,7 pour cent, celui-ci risque en plus de remonter encore en 2014 à 3,9 pour cent, toujours selon les prévisions de l’UE. L’endettement devrait dépasser le taux symbolique des 90 pour cent du PIB cette année. Ce taux représente une limite qui rend de plus en plus difficile une sortie du cercle vicieux de l’endettement. La France, qui profite actuellement de coûts de crédits historiquement bas, dépend maintenant plus que jamais de l’évolution des taux d’intérêts. C’est aussi une question de crédibilité.

Encore une fois, la France ne respectera donc pas ses engagements vertueux de discipline budgétaire, malgré les promesses réitérées et confirmées par le président depuis son élection. Ce n’est pas une surprise. Depuis des semaines, le gouvernement a préparé l’opinion des citoyens à Paris et des partenaires à Bruxelles à cette annonce qui risque d’affaiblir la crédibilité de Paris et de mettre en doute sa parole donnée. En Allemagne particulièrement, on n’a pas caché son agacement vis-à-vis de cette France gouvernée à gauche, qui visiblement ne respectait pas la discipline budgétaire si chère à Berlin.

Le commissaire européen aux Affaires économique et monétaires ne s’est pas prononcé pour des sanctions contre Paris. À Bruxelles, on reconnaît les efforts réels qui sont faits, mais surtout on craint qu’un tour de vis supplémentaire puisse détériorer davantage la situation de la deuxième économie de la zone euro. Comme la Commission européenne, l’agence de notation Standard & Poor atteste également à la France d’être sur la bonne « trajectoire », après lui avoir retiré son triple A, suite à un diagnostic inverse.

Comme si de rien n’était, le gouvernement français continue donc de dire que l’objectif d’un déficit de trois pour cent du PIB serait atteint en 2014 et que l’assainissement des finances se ferait jusqu’en 2017. À l’adresse de ceux qui craignent une cure d’austérité, le ministre des Finances, Pierre Moscovici, affirme même « ne pas prévoir de plan d’ajustement supplémentaire pour 2013 » et il annonce des réformes structurelles pour 2014. Il sait pourtant qu’il doit trouver rapidement au moins quatre à six milliards d’euros d’économie supplémentaires. Jusqu’ici, l’État français a surtout augmenté les impôts. Cela ne suffit plus, et Moscovici envisage donc de baisser la dépense publique qui représente 56 pour cent du PIB à un niveau de 53 pour cent. Il ne précise pas pour autant dans quel domaine et dans quelle dimension le gouvernement entend couper, car il craint de mettre en danger la demande intérieure et une croissance déjà proche de zéro.

L’opposition doute que le gouvernement dispose d’une vue à long terme. Le président de la Commission des Finances au Sénat, Philippe Mariani (UMP), affirme : « Hollande n’a pas de stratégie fiscale. Il essaie simplement d’éviter les obstacles. » Le ministre Moscovici doit annoncer un gel des crédits à ses collègues qui sera plus draconien qu’initialement prévu, il essaie surtout d’éviter la chute dans cette course. Pour cela, il lui faut rassurer d’un côté une opinion hostile à l’austérité et particulièrement inquiète en raison d’un chômage qui s’accroît sans interruption et qui dépasse maintenant largement les trois millions de personnes. Dans le même temps, le gouvernement doit convaincre les partenaires européens et les marchés financiers qui attendent ces réformes structurelles dont Moscovici ne dévoile rien. On ne sait pas encore qui seront les premiers perdants dans ce jeu de dupes.

Rudolf Balmer
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