Un scandale avec des dimensions européennes

Le « Horsegate » fait douter les consommateurs

d'Lëtzebuerger Land du 22.02.2013

À priori, ce dernier scandale alimentaire n’est certes pas comparable à la crise de la vache folle qui a semé un vent de panique parmi les consommateurs européens il y a quelques années, et qui a menacé la survie économique de toute une filière de l’élevage. La santé des clients qui ont acheté des plats préparés à base de viande hachée n’est pas en danger cette fois. Pourtant, ce qui vient d’être dévoilé au détour d’un banal contrôle de l’étiquetage de viande surgelée à Newry en Irlande du Nord en septembre 2012 peut couper l’appétit. L’inspecteur zèlé qui a vérifié le contenu des produits d’une petite entreprise irlandaise ne se doutait certainement pas qu’il allait déclencher un scandale connu depuis sous le nom évocateur de « Horsegate ».

Très vite, plusieurs industriels comme le géant Findus et des distributeurs ont pris les devants et sonné l’alerte en indiquant qu’ils retiraient tout de suite des produits supposés contenir du bœuf, mais qui pouvaient éventuellement être « contaminés » par du cheval. On ne connaît pas encore, à l’heure actuelle, tous les acteurs de cette tromperie. Qui a organisé ce marché clandestin, qui étaient les complices informés ? Entre le paysan ou éleveur et le consommateur se situent de nombreux intermédiaires qui veulent et doivent tous gagner de l’argent. Et si le cheval coûte moitié moins cher que la viande bovine, c’est – apparemment – un bonus non négligeable à prendre sans scrupules.

Ni les contrôles nationaux, ni la surveillance au niveau européen n’ont su nous éviter ce nouveau scandale. Comme lors de la crise de la vache folle, on dira qu’il faut tirer toutes les leçons. Cependant, on se demande déjà, si ce sera possible face à la puissance économique de l’industrie et la crainte d’une perte d’emplois dans ces filières encore compétitives. C’est ce qu’on entend tous les jours en ce moment en France, où le « Horsegate » menace une industrie alimentaire particulièrement importante et également particulièrement impliquée dans cette tromperie selon les premières constatations. On est très loin dans ce débat de la haute-cuisine et des produits du « terroir », dont les Français ont l’habitude de s’enorgueillir.

Dans le viseur de l’enquête en France, il y a pourtant une entreprise bien renommée, la Maison Spanghero, qui fait partie de la coopérative Lur Berri. Elle se fait livrer de la viande par un négociant néerlandais qui demande les quantités commandées à un courtier chypriote qui s’adresse à un sous-traitant hollandais qui finalement achète auprès d’abattoirs roumains. À cause d’une législation européenne qui interdit les hippomobiles sur les routes nationales, les Roumains ont trop de chevaux et ne savent pas quoi en faire. Ils se sont aussitôt vus octroyer le rôle de bouc émissaires et « suspects de service ». Probablement, qu’ils sont les seuls innocents dans ce circuit, car ils ont livré de la viande chevaline déclarée comme telle. Qui a changé les étiquettes au cours de l’acheminement et de la transformation ? Pour le moment, tout le monde jure de sa bonne foi.

Dans un premier temps, le gouvernement français avait retiré à Spanghero sa licence, puis lui a permis de reprendre la partie de ses activités qui n’est pas concernée. Une décision prématurée et dictée par le souci des 300 emplois menacés ? À Paris, le ministre de l’Agriculture, Stéphane le Foll, s’en défend. Jamais, dit-il, il ne prendrait une décision au détriment des consommateurs. Au vu d’indices graves, Spanghero reste impliquée. Selon le vice-ministre aux PME, Benoît Hamon, Spanghero aurait vendu au minimum 750 tonnes de viande avec de fausses étiquettes. Ses preuves ? « La direction générale de la répression des fraudes a fait des analyses des pains de viande de 25 kg. Certains étaient parfois 100 pour cent viande de cheval. »

La firme fondée par d’anciens rugbymen, six frères d’origine italienne, a livré ce faux « bœuf » à la société Comigel à Metz qui l’a fourni à Tavola au Luxembourg, qui ensuite fabrique des plats pour Findus. Ce n’est qu’un des circuits qui est ainsi décrit par Le Monde. Il y en a d’autres, car les grands distributeurs comme Auchan, Casino, Carrefour et Picard-Surgelés ont également retiré des lasagnes ou autres sauces bolognaise. Nestlé a annoncé que ses boîtes de raviolis étaient également dans le collimateur. Par d’autres filières, du cheval irlandais ou polonais a fini dans les plats de Lidl... Avec un dégoût certain, les consommateurs européens attendent la suite des enquêtes et surtout une surveillance plus regardante sur la qualité. Hasard du calendrier ? L’Europe ne s’est pas remise du choc de cette arnaque galoppante de l’industrie alimentaire, que l’UE autorise la farine animale pour l’élevage de poissons et réfléchit à leur réintroduction pour les poules et les porcs. Ce qui n’est pas vraiment à même de rassurer les amateurs de viande.

Rudolf Balmer
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