C’est une petite exposition – une vingtaine de toiles et gravures seulement – que l’on peut voir actuellement à la Villa Vauban. Mais Paula Modersohn-Becker, touche le visiteur non seulement par la qualité des sujets (natures mortes, portraits, paysages). Elle fut en son temps, une précurseure, peignant de manière simplifiée, faisant ressortir les formes et les couleurs : Paula Modersohn-Becker a peint à la charnière des XIXe et XXe siècles…
Elle était une femme, dans une colonie d’artistes essentiellement masculine, à Worpswede, non loin de Brême dans le Nord de l’Allemagne. D’un milieu cultivé mais pas très aisé – ses parents destinaient leur fille née en 1876 à devenir institutrice ou gouvernante –, elle fut néanmoins autorisée à suivre des cours de peinture à Berlin et ensuite à Worpswede. Dans cette assemblée à dominante masculine, son amie était Clara Westhoff, future épouse de Rainer Maria Rilke, par qui, lors d’un de ses séjours parisiens, elle connut Rodin. Paula, elle, épousa Otto Modersohn, un des peintres célèbres de la colonie d’artistes, qui certes l’encouragea fortement, mais elle resta longtemps la femme de qui peignait…
L’apogée de son succès français est fort récent : en 2016, le Musée d’art moderne de la Ville de Paris a consacré une grande rétrospective à Paula Modersohn-Becker, avec plus d’une centaine de ses œuvres exposées, provenant de la fondation qu’a créée la fille de l’artiste (elle mourut à la naissance de la petite fille en 1907).
L’exposition de la Villa Vauban est beaucoup plus modeste, mais provient du Landesmuseum Hannover, qui possède une riche collection des peintres de la colonie de Worpswede. Loin de la peinture académique et officielle qu’ils détestaient, les artistes appréciaient les paysages de lande et de tourbière, les marécages et la simplicité de la ville paysanne.
On retrouve cela dans les trois tableaux qui ouvrent l’exposition et qui sont ceux d’hommes. Leurs couleurs (on peignait à l’époque sur le motif), sont sombres comme l’était la terre, l’eau, le ciel chargé de nuages et de pluie. Puis vient la salle consacrée à Paula Modersohn-Becker. Et on voit immédiatement autre chose dans ses paysages : point de représentation générale qui raconterait comme une histoire, mais un focus sur des détails et des couleurs beaucoup plus claires. La texture est matte qui plus est (technique mixte sur carton ou toile), c’est-à-dire sans effet de pinceau. Sauf pour un tableau, qui paraît beaucoup plus libre dans son expression que celle de ses collègues hommes.
Suivent, dans la même salle – on peut regretter qu’il n’y ait pas de cloisonnement dans l’exposition consacré aux trois thèmes, les paysages, les natures mortes et les portraits – des fruits avec des cruches qui, dirait-on retiennent la nappe (c’est peut-être les mouvements de celle-ci qui est le sujet), des vases de fleurs. L’un est presque cubiste. Mais c’est une assiette de fruits qui retient surtout l’attention : il n’y a pas de décor, c’est juste un gros plan. On pense à Cézanne, ou plutôt à aussi bien que Cézanne, que Paula Modersohn-Becker connut avant même qu’il ne soit célèbre. Car elle effectua plusieurs séjours à Paris, pour continuer à étudier, dans ce qui était, au tournant du siècle passé, « le » centre artistique d’avant-garde.
Témoignent de son avant-gardisme à elle, les portraits : on dirait qu’ils portent des masques, qu’il s’agit de statuaire simplifiée. Les jeunes filles sont représentées en buste ou à mi-corps, l’une porte une couronne de fleurs des champs, l’autre un petit chapeau plat de paysanne, l’arrière-plan, le mur et le sol, sont traités au même niveau avec juste une ligne de séparation à mi-hauteur du tableau. Viennent ensuite une série d’eau-fortes et de gravures rares – elle n’en réalisa que treize en tout pour 750 peintures et un millier de dessins. Ici, encore une fois des représentations simples à l’extrême attirent le regard : un dessin au fusain d’une femme à la fenêtre et un autre d’une fille avec une fleur.