L’exposition d’Hugo Canoilas à la galerie Nosbaum [&] Reding peut suggérer simultanément une immersion dans la théorie des cordes, un parc de jeux zoologique et une chute métaphysique et existentielle dans le vide. L’installation To fall in height matérialisée dans l’espace d’exposition à l’aide de divers objets (cordes de différentes tailles, monochromes peints, moniteur TV diffusant une performance, une photographie et un pneu usagé) est agencée de telle façon qu’elle interroge la gravité, le poids, la tension des lignes (l’installation provient initialement d’un dessin), perspectives et points de fuite, trajectoires dynamiques entremêlées, mais aussi, un rapport du corps physique à l’œuvre, une réaction du visiteur à l’installation.
To fall in height, est la deuxième exposition personnelle à la galerie d’Hugo Canoilas, né en 1977 à Lisbonne. En 2007, il avait installé un labyrinthe (Labyrinth) dans lequel le visiteur pouvait entrer et circuler à l’intérieur et à l’extérieur de la galerie dans un petit pavillon spécialement construit à cette occasion à partir de matériaux bruts et récupérés. Dans le pavillon étaient présentés divers objets (diaporama, peintures abstraites, photographies retouchées). En 2008, il participait à l’exposition Second Nature dans le Parc Heintz de la Dexia en exposant une structure de bois et une peinture monumentale intitulée Hell.
Si le titre de l’exposition actuelle To fall in height invite à « tomber de haut », l’installation n’en est pas moins renversante, invite à faire jouer ses sens et peut également faire « tomber de bas en haut ». À partir d’un dessin fait avec des cordes, l’installation souligne le principe gestuel à la fois formel et automatique. Les cordes originelles de l’esquisse de différentes épaisseurs et longueurs deviennent des sculptures et supports en 3D construisant le vide. Les supports forment des boucles, des noeuds, des angles géométriques, des courbes et des noeuds de pendus. Cependant les seuls pendus de l’espace, sont les cordes elles-mêmes ou les objets d’une composition picturale matérialisée.
Les formes géométriques et rondes renvoient toutes à un vocabulaire formel pictural abstrait géométrique : plaques de bois, pneu, lignes. Les peintures sont une référence à la peinture du père d’Hugo Canoilas. To fall in height est comme un grand problème mathématique irrésolu, or les options sont multidirectionnelles et plusieurs solutions sont proposées pour le résoudre. D’autre part, Hugo Canoilas cultive un espace démocratique pour tous, où aucun élément n’est plus fort ou plus faible qu’un autre, détruisant ainsi tout principe hiérarchique.
L’aspect instinctif (humain et animal) et mathématique (logique rationnelle) de To fall in height provoque une relation formelle primitive et scientifique. L’installation conçue pour être expérimentée par le corps « tisse des liens conceptuels étroits avec le travail de Marcel Duchamp montré à l’exposition First Papers of Surrealism à New York en 1942 et l’installation interactive de Robert Morris à la Tate Gallery en 1971 où le public fut invité à interagir avec les objets ». Entre geste et concept, l’œuvre pousse à la réaction humaine, l’affirmation corporelle et cognitive et le réel et l’inconscient. Chacun est invité à toucher l’installation pour en changer les repères visibles, à se frayer un chemin à l’intérieur comme un pénétrable schématisé et à imaginer se hisser sur les cordes ou à tomber en hauteur dans ce méandre post-constructiviste.
To fall in height est une exposition autour de laquelle les idées peuvent être partagées, implique une forme de co-production et une mise en commun des forces. Cet aspect collectiviste social est retrouvé dans les travaux collectifs de l’artiste com-me dans le Projet Morro, où il invite d’autres artistes à intervenir sur le principe d’un cadavre exquis (2007), ou dans ses œuvres picturales où il utilise une imagerie politique et sociale, mais pourtant dénuées de tout contenu et message politisé. Hugo Canoilas expose régulièrement en Europe et a réalisé des projets importants au Frankfurter Kunstverein de Francfort (2007) et au Centre d’art contemporain Huarte à Pampelune (2008). En 2009, à la Fiac, il a également réalisé en collaboration avec l’artiste autrichien Christoph Meier, le stand de la galerie Nosbaum [&] Reding, un espace noir spécifique et pénétrable à plusieurs issues possibles, dans le temple du capitalisme.