Apes Did Ensemble, voilà un nom que les suiveurs des Save Esch Sessions doivent connaître ! Et pour cause, le quintet parisien aime se produire sous nos latitudes, invité également lors des soirées célébrant les vingt ans de l’hebdomadaire Woxx. Si le groupe compte a déjà quelques années au compteur, il vient seulement de sortir son premier EP éponyme sur le label Rabeatscage. Enregistrés et mixés au Royaume-Uni, les cinq morceaux déclinent un mathrock tourné vers le continent nord-américain, mais qui a su garder assez d’éléments propres, voire un côté européen. Si depuis longtemps, le rock made in France, au sens large du terme, s’est affranchi, pour le meilleur et (assez souvent) pour le pire, de ses modèles anglo-saxons, Apes Did Ensemble s’en tire avec les honneurs au jeu des comparaisons.
Ici, le terme mathrock prend une connotation légère et jouette, dans la mesure où le quintet privilégie un certain déni de linéarité dans ses compositions ingénieuses, tout en gardant une fluidité de tous les instants. On retrouve en alternance, changements de rythme, mélodies aigrelettes ou riffs secs et appuyés qui ont fait les beaux jours de groupes ricains de la fin des années 90 comme American Football, Ancient Greeks, Smart Went Crazy et autres Q and Not U, en plus maximaliste. Comme ces groupes, Apes Did Ensemble aime les changements de braquets, les démarrages en souplesse ainsi qu’un mépris d’un trop long surplace.
D’autre part, les incursions répétées et bienvenues d’une trompette de même que les quelques passages en chants choraux convoquent les mêmes muses que les tenants d’un certain indie(post)rock batifoleur à la canadienne que sont Broken Social Scene, Do Make Say Think, voire Most Serene Republic. Le tout garde une dimension (power-)pop en proposant des mélodies, certes pas toujours simples à assimiler, mais assez charmeuses qui, autant que la brièveté de l’EP (un peu moins de 20 minutes au compteur) invitent à la réécoute.
Les adeptes d’une approche radiophonique en seront pour leurs frais, l’EP ne contient aucun tube calibré, mais une série de moments marquants dont le fer de lance est certainement (Everybody loves) Magritte, judicieusement placé en ouverture. Autre pièce de choix, Furthur, qui dans un premier temps renvoie aux structures obliques à la Shudder To Think, avant de passer en deuxième partie, à quelque chose de plus posé et qui ressemble vaguement à un hymne car l’envie larvée de déstructurer le morceau ne survient jamais. Puis, Apes Did Ensemble démontre toute l’étendue de sa subtilité et de sa symbiose dans l’instrumental You’re yellow I’m green. Avec cet EP et des préoccupations probablement très éloignées des éphémères hypes parisiennes, Apes Did Ensemble se pose en discrète, mais néanmoins réelle alternative à celles-ci.