Le ministre de l’Intérieur, Jean-Marie Halsdorf (CSV), parle d’une coïncidence. Il a déposé son projet de loi sur la discipline dans l’armée, la police et l’inspection générale de la police la semaine dernière, juste après l’éclatement de l’affaire des Boxemännercher à la caserne de Diekirch. Le dossier n’est d’ailleurs pas clos et il espère qu’il a bien été entendu par la hiérarchie militaire à laquelle il avait adressé des reproches et constaté que l’armée était malade (d’Land du 6 janvier). « La situation n’est pas admissible, c’est un peu comme si un couple déballait ses problèmes sur la place publique, dit-il dans un entretien accordé au Land, et dans six mois, je vais m’informer personnellement de l’évolution du dossier. » D’autres affaires comme le changement d’affectation du colonel Ries – dont le dossier est toujours à l’ordre du jour des juridictions administratives – sont venues entacher l’image de l’armée.
Cela fait une vingtaine d’années que les procédures disciplinaires dans la force publique attendent d’être réformées. Dans l’intervalle, le fonctionnement de l’armée a été revu, les corps de police et de la gendarmerie ont été fusionnés et l’inspection générale de la police (IGP) a été créée dans le but d’enquêter sur des comportements défaillants des membres de la police. En 2010, 61 dossiers ont abouti à des sanctions disciplinaires, il s’agissait d’infractions au code de la route ou au code pénal, de retards dans la rédaction de procès verbaux et de rapports, d’attitudes qualifiées de non professionnelles. Plus grave, 59 enquêtes judiciaires ont été menées par l’IGP qui concernaient avant tout des mauvais traitements, des « violences supposées gratuites pouvant être qualifiées de coups et blessures volontaires ou involontaires »1. Injures, confusion d’intérêts professionnels et privés, abus de fonction et excès de zèle, racisme, xénophobie et traitements inhumains viennent s’ajouter au tableau.
Concrètement, le projet de loi de la discipline dans la force publique prévoit une procédure disciplinaire unique, qui se déroule en interne et est prise en charge par des agents instructeurs. C’est-à-dire que les deux aspects, enquête et sanction, seront dorénavant séparés. Le ministre n’avait pas d’autre choix que de donner suite à une pléthore de jugements des juridictions administratives et de la Cour des droits de l’homme, selon lesquels il n’est pas admissible qu’une même personne soit juge et partie, même dans des affaires disciplinaires mineures.
Par ailleurs, l’exposé des motifs précise « que toute sanction de quelque nature qu’elle soit est subordonnée à une instruction disciplinaire préalable, à mener suivant les règles établies (…), et que les sanctions dépassant un certain degré de gravité requièrent en outre l’avis du conseil de discipline ». Celui-ci a une fonction consultative et le supérieur disciplinaire ne pourra prononcer une sanction plus lourde que celle proposée par le conseil dans son avis. Pour Jean-Marie Halsdorf, cet aspect sert de garde-fou pour prévenir un éventuel harcèlement ou acharnement vis-à-vis d’un subordonné. L’échelonnage des tâches d’instruction et de pouvoir de sanction est une autre garantie pour le ministre qui permettra d’éviter des abus.
Cependant, le ministre a aussi serré la vis avec l’extension du cercle des autorités investies du pouvoir disciplinaire. C’est une des différences entre les agents de la force publique, qui doivent obéir aux règles du statut militaire et peuvent être sanctionnés par leurs supérieurs hiérarchiques, et les fonctionnaires régis par le statut général. Selon l’exposé des motifs, « les liens de subordination serrés, la nécessité d’une discipline rigoureuse et la responsabilisation accrue des cadres dirigeants exigent qu’un pouvoir de répréhension soit conféré à tous les cadres supérieurs assumant une fonction de chef de service ou d’unité ».
Dès la notification, la personne visée par une procédure disciplinaire a un délai d’observation de huit jours (et non de dix comme le prévoit le statut général) pour répondre à ces reproches. « Nous voulions éviter que les procédures durent trop longtemps, précise le ministre, comme il s’agit ici d’une matière sensible, inhérente à la force publique, il faut éviter de jouer les prolongations. » Aussi, un agent pourra-t-il être écarté de sa fonction dès le moment où il est soupçonné d’avoir commis une infraction pénale – il faudra seulement justifier pourquoi sa présence est incompatible les intérêts du service. Jusqu’à présent, il fallait d’abord qu’il y ait une décision du procureur ou du juge d’instruction avant de l’en écarter.
Dans la foulée, Jean-Marie Halsdorf annonce deux autres réformes : celle de la police, qu’il souhaite rendre « plus efficiente et plus efficace » et celle de l’inspection générale de la police. Cependant, même si les députés avaient demandé, dans un débat d’orientation le 17 février 2009, plus d’indépendance de l’IGP par rapport à l’entité contrôlée, le ministre ne compte pas y changer grand-chose. En pratique, il s’agit de la difficulté pour les anciens agents de l’IGP de réintégrer le corps de police après l’avoir surveillé. Mais comme l’IGP ne peut offrir aux membres de son personnel de plan de carrière attractif, la question ne se pose pas. À leur retour au sein de la police, ils sont affectés à d’autres sections – unités administratives ou techniques – que celles qu’ils ont contrôlées pendant leur mission à l’IGP.