« Le gouvernement prend seulement depuis cinq ou six ans au sérieux le dossier du logement », déplore le député des Verts et bourgmestre de Remich Henri Kox dans un entretien au Land. Il a fallu que le phénomène de l’exil à l’étranger des ménages luxembourgeois de la classe moyenne, suite à l’impossibilité de se payer une maison au grand-duché – il n’y a plus grand chose sous un budget de 600 000 euros pour des localisations acceptables et les loyers restent en surchauffe – prenne de l’ampleur pour que les autorités s’émeuvent du fait que se loger décemment, c’est-à-dire offrir un espace de vie suffisant à chacun des membres d’une famille, est devenu un luxe inaccessible. À moins de décrocher le gros lot, c’est-à-dire avoir été sélectionné – et rentrer dans les critères financiers très stricts – pour habiter l’un des logements construits par les communes ou les organismes publics de logements, comme le Fonds du Logement – qui a été quasi inexistant sur le marché ces dernières années – ou la Société nationale des habitations à bon marché, qui s’est montrée nettement plus active.
On peut se demander pourquoi le gouvernement s’y prend si mal et se montre si peu efficace en matière de construction de « logements sociaux » ? Parce qu’il n’ose pas tailler des croupières dans le sacro-saint droit à la propriété et que sur le plan juridique, ses experts multiplient les impairs, au point que chaque initiative un peu ambitieuse se heurte à des procédures administratives inextricables qui finissent par décourager les plus pugnaces d’entre eux ?
La Ville de Luxembourg, qui avait vu sa population la déserter mais connaît désormais un regain d’attrait pour les citadins, réservé toutefois aux ménages les plus fortunés qui doivent pouvoir aligner assez de garanties à leur banque pour avoir de quoi acheter un appartement rarement sous les 500 000 euros, a été incapable de publier son étude sur les logements vides pour des questions juridiques. Alors, ne parlons pas de taxes sur les logements vides ! Les seules « grandes villes » à réaliser des programmes de logements à des coûts abordables (tout est ici relatif) à grande échelle sont celles du Sud du pays : Esch-sur-Alzette, Dudelange et Differdange. Pour les autres communes, souvent dépourvues de personnel spécialisé parce qu’elles sont trop petites, le lancement d’un programme immobilier dans le cadre du Pacte logement relève du défi. Il y a pour ces communes un manque évident de repères et des ressources humaines adéquates : « À Remich, déplore Henri Kox, nous n’avons pas de juristes ». Le député-maire voit donc d’un bon œil l’initiative de mettre en place une Société de développement communal. S’il est d’accord sur le principe, il ne l’est pas sur la méthode et se méfie du contrôle que la Société de développement urbain exercerait sur l’antenne locale. Le ministre du Logement, Marco Schank, CSV, entend faire adopter encore cette année le projet de loi déposé fin 2012. Mais si tout le monde est à peu près d’accord sur la nécessité d’une telle structure pour soutenir sur un plan technique la politique immobilière des communes, les divergences éclatent lorsqu’il s’agit de la mise en œuvre pratique. « Nous ne voulons pas d’un Fonds du Logement bis, il faut un troisième pilier gérant les aspects financiers mais qui soit aussi doté de personnel technique, comme des architectes et des ingénieurs, mis à la disposition des communes ainsi que de capacités administratives adéquates », souligne le député des Verts. Il souhaiterait voir reproduire au secteur du logement les mécanismes du Pacte sur le climat, avec des objectifs clairs et des contraintes, mais aussi des « carottes » financières lorsque les objectifs ont été atteints.
La création d’une Société de développement communal oui, mais sans qu’elle ne soit un appendice du Fonds du Logement, ni que son actuel président multi-mandats, Daniel Miltgen, n’en soit le grand chef, dit en substance le député, qui pointe du doigt les déficits du Fonds du logement et réclame un audit de l’établissement pour en identifier les faiblesses. Cet audit est, à ses yeux, un préalable avant toute réforme et surtout, il doit précéder la constitution de la Société de développement urbain sous la forme de société commerciale, un statut censé améliorer son efficacité. Sans un audit, la nouvelle structure, privatisée, fera illusion et risque même d’être contre-productive.
Faut-il faire comme en Allemagne (à Perl notamment), où la commune frontalière s’est arrogée la faculté de préempter les terrains lors d’une agrandissement du périmètre du foncier constructible ? À elle ensuite de les revendre selon des critères bien déterminés, avec une dose de social dans la sélection des acheteurs ou le choix des promoteurs. « Il faut une main mise sur les nouveaux terrains », estime Henri Kox qui prône les grands moyens dans sa commune de Remich, où plus de vingt hectares de terrains compris dans le périmètre de l’agglomération mais répartis entre une centaine de propriétaires différents attendent depuis des années une affectation. « Nous sommes en train d’analyser, explique le député-maire, les différents moyens pour motiver les gens à vendre. Si nous n’y arrivons pas, nous pourrions envisager le retrait du périmètre d’agglomération. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre ». Avec, en plus, le sourire de la crémière