Pas un seul client. Lorsqu’elle dresse le bilan de ses quatre premiers mois à la tête de Bizart, Danielle Dichter est fière de pouvoir affirmer qu’elle n’a pas perdu un seul des clients de l’agence suite au changement de propriétaire. Le 1er septembre 2010, 17 ans après que Raoul Thill eut fondé l’agence de publicité et de graphisme à Ettelbruck, Danielle Dichter, professionnelle luxembourgeoise du marketing ayant fait le tour d’Europe, sinon du monde dans le métier, la racheta au fondateur, désireux de tourner la page. Devenus amis après avoir eu des contacts professionnels – quelques années auparavant, Danielle Dichter avait été en charge, chez Tango, du rebranding suite à la reprise par Belgacom, campagne pour laquelle Bizart avait remporté le concours – les deux patrons de l’agence, l’ancien et la nouvelle, avaient personnellement vu tous les clients pour leur expliquer les raisons de ce changement et présenter Danielle Dichter. Qui pouvait les rassurer que rien n’allait changer dans l’esprit de l’entreprise, et pour cause : « En tant que cliente, à l’époque, j’ai adoré travailler avec Bizart, justement pour l’esprit de l’équipe. Parce qu’ils essaient de comprendre le client pour mieux définir ses besoins, au lieu de vouloir lui imposer une publicité. »
En voyant les yeux de Danielle Dichter qui brillent quand elle parle de cette reprise, du défi qu’elle s’est lancé pour transformer l’essai en succès, on ne peut que se dire que peut-être, elle est la chance de cette boîte mythique pour prendre un deuxième souffle. Car, bien que Bizart fut devenue une des sociétés les plus créatives de la place, ayant travaillé pour les principaux clients privés, culturels ou institutionnels, on la sentait un peu en perte de vitesse. Notamment suite au départ de ses designers innovants comme Marianne Grisse, Miriam Rosner, Laurent Daubach et, prochainement, Fred Thouillot. Ou peut-être était-elle tout simplement moins « hype », moins dans le vent depuis son cerf bleu un brin provocateur encore pour Luxembourg 2007 – plus sage, surtout depuis que Raoul Thill l’avait repositionnée sur le management d’images de marque.
Que Danielle Dichter atterrisse boulevard grande-duchesse Charlotte à 39 ans, après une brillante carrière internationale n’est un hasard qu’en apparence. Ses études en communication à l’Ihecs à Bruxelles l’avaient menée, après de premières brèves expériences à l’agence Intercom et à la Fedil, chez Sony à Munich, où elle vécut la fusion avec Ericsson – et le défi d’une telle entreprise en termes de marketing. Elle rejoignit le siège à Londres, puis suivit l’intégration du marché asiatique et la restructuration de la branche américaine ...jusqu’à y être nommée Head of Global Sponsorhip Marketing. « Je passais ma vie dans les avions, » résume-t-elle cette période, c’est éreintant à la longue. Et puis, en dix ans dans les télécommunications, elle considérait avoir fait un peu le tour de la question. À la recherche d’une réorientation professionnelle, elle commença à se dire : et pourquoi pas le Luxembourg ? dont elle apprécie notamment la qualité de vie.
C’est alors qu’elle voit une annonce de l’OPL, l’Orchestre philharmonique du Luxembourg, qui cherchait un responsable de la communication. « Je me suis dit que c’était idéal pour moi, je voulais vraiment faire de la communication pour quelque chose de vivant. » Ayant commencé à l’époque où Gilles Ledure fut directeur administratif, elle avait carte blanche pour le rebranding, a refait toute la stratégie marketing de l’orchestre, son positionnement plus affirmatif, son identité visuelle... « C’était une expérience superbe, chaque jour était différent, chaque jour, je rencontrais d’autres gens. » Mais un coup de fil de Tango la fit encore changer d’employeur, suivi assez vite par une autre offre de l’agence internationale Iris Nation, qui avait travaillé avec elle du temps de Sony Ericsson et lui demanda de lancer son bureau parisien, qu’elle dirigea pendant quelques mois. Mais l’opportunité de reprendre une agence, avec certes un changement d’échelle, avec des budgets, une équipe et un marché plus modestes, mais dans laquelle elle puisse investir son expérience et définir l’orientation était trop tentante. « Si on a moins de budget, peut-être qu’il faut avoir de meilleures idées, » dit-elle, en soulignant que la crise économique et la baisse des budgets publicitaires avaient peut-être aussi eu du bon pour le secteur.