L’adolescence est un pays pas si lointain d’où l’on revient après quelques années passées en captivité. Christine (Saoirse Ronan) est au bord du cadre. En ce début de 2002, rebaptisée Lady Bird par ses soins pour se démarquer de sa famille comme de son lycée catholique, la jeune femme papillonne en attendant mieux, un rêve qui a pris la forme d’une école d’art de la côte Est, d’une vie pleine d’excitations. Parce qu’ici, à Sacramento, tout est moyen. La maison, le père (Tracy Letts) au chômage, le frère (Jordan Rodrigues) revenu de la fac pour finalement travailler à la supérette, la mère (Laurie Metcalf) désenchantée et aigrie. Les rêves sont retombés, plombés. Il y a eu le 11 septembre, il y a eu l’invasion de l’Irak, tout est gris, lourd et vicié et les meilleures ambitions sont les plus modestes. Lady Bird résiste, participe à la comédie musicale de son lycée, tombe sous le charme d’un garçon qui préfère les garçons, d’un autre qui s’envisage poète et qui cultive la nonchalance jusqu’au cynisme. Elle louvoie, elle travaille, elle envisage, elle imite, elle parle, beaucoup.
Première réalisation en solitaire de l’actrice Greta Gerwig, Lady Bird vient compléter la (déjà longue) liste des jolis films indépendants américains traitant de ces jours charnières entre l’adolescence et l’âge adulte, ce genre qu’on appelle encore coming-of-age. Greta Gerwig replonge dans ses propres souvenirs, enveloppe, enjolive, donne davantage de charisme à son personnage pour en faire une héroïne forçant son destin par simple désir de voir de l’autre côté. Le style est naturaliste, mais s’autorise des détours poétiques, le verbe est haut et souvent drôle, les sentiments, toujours forts, servis par des acteurs parfaitement dirigés et toujours justes. Certaines scènes, comme attrapées au vol entre deux explosions de légèreté, rappellent la croisée de Lady Bird : partir pour mieux aimer, pour supporter une mère sans tact, qui aime avec deux mains gauches. Ces moments-là sont finalement le reflet d’un certain gâchis : au lieu de creuser, la scénariste-réalisatrice préfère illustrer, réduisant sa mise en scène à l’effet de saynètes bien senties. La dramaturgie pâtit de ce manque d’investissement et déroule sa trame sans surprise, jusqu’à la libération, où il n’est pas tant question d’espace physique que de rapprochement maternel évidemment.
En fuyant la gravité, Greta Gerwig retrouve ses rôles de gentille fille un peu fofolle (Frances Ha, dans le film éponyme, ou encore Florence dans Greenberg, deux films de son compagnon Noah Baumbach). Tout à fait attachante mais inoffensive. En cela, Lady Bird, le personnage comme le film, préfère la posture à la prise de position et malgré les bons sentiments enveloppés sous une dynamique couche d’excentricité, le propos reste trop superficiel pour dépasser le stade du feel good movie. Marylène Andrin-Grotz