Dès le début, elle hurle pour ne plus entendre le silence. Ce n’était qu’un cours de théâtre, ou bien peut être un groupe de parole. Son époux a décidé de se rendre : elle l’accompagne jusqu’à la prison. Et puis ensuite, la solitude. Seule dans le métro pour revenir, seule dans l’appartement avec le chien qui geigne de ne pas voir son maître, dans les rues au petit matin, dans le bus. Même quand quelqu’un la frôle, elle est seule. Hannah (Charlotte Rampling), qui donne son nom au film d’Andrea Pallaoro, ne se définit qu’ainsi. Au parloir, son mari lui donne des miettes. Son fils refuse de la voir. Seule. Alors elle se raccroche à ce qui construit le quotidien : faire sa toilette, prendre soin des fleurs, aller travailler. Chez les autres, faire entrer la lumière. Chez soi, la fuir le plus possible. Bribes d’indices, une femme vient sonner chez elle en évoquant son enfant, parle de honte. Plus tard, le mari dit qu’il ne pardonnera jamais à son fils d’avoir fait « ça ». Summum de l’explication quand elle trouve une enveloppe en kraft cachée derrière une armoire. On accepte cette absence de justification, on s’accroche à ce visage dur, fermé, ce corps qui s’agrippe à la vie. On attend. On attend longtemps.
On attend une histoire, d’abord, une idée, ou alors juste un sursaut qui fera naître une émotion, peut-être finalement rien qu’un sentiment. Mais il y a juste une succession de plans fixes, terriblement austères, dans lesquels Charlotte Rampling ne dit rien, ou si peu. Dans l’ascèse, dans la tristesse infinie, dans le déni précédé une crise de larmes intense, l’actrice est magnifique, oui, et elle n’a sûrement pas usurpé son titre de meilleure actrice à la dernière Mostra de Venise. Mais que veut nous dire Andrea Pallaoro, excepté sa fascination pour Charlotte Rampling ? Et que raconte cette femme ? Où veut-elle nous emmener ? On est là dans le cinéma d’auteur dans ce qu’il a de plus prétentieux et vain, lorsque l’on jette ça et là des miettes de narration en observant les ondulations provoquées sur une mer d’huile. Mais regarder une actrice, quelle que soit sa force, penser derrière une vitre pendant une heure n’a jamais fait un film. Hannah se déplace dans des cadres imposés, aux couleurs blafardes et d’où elle ne peut pas s’extraire. Elle n’a aucune liberté et le cinéaste se délecte de la contenir ainsi, dans la douleur, dans l’inconnu. Il souhaite l’âpreté, on ne voit que le misérabilisme. Ce langage cinématographique, tout aussi mutique et sec que le personnage, marque une distance totale avec le spectateur, qu’on laisse en léthargie. On a beaucoup comparé Andrea Pallaoro à Michael Haneke : revoyons donc Amour (2012) pour tenter de comprendre pourquoi. Marylène Andrin-Grotz