Dernièrement, Daniel Moutinho est « monté à Paris ». Comme d’autres font un pèlerinage, lui voulait se frotter à la Mecque du stand-up français. Une scène l’attendait et pour l’humoriste luso-luxembourgeois, ce ne fut ni une galère, ni une crucifixion. Plutôt une divine expérience. « Il fallait juste oser… »
Oser monter sur les planches, micro en main et blagues en bouche, il l’a tenté pour la première fois en 2018. « À Pétange devant 120 personnes, là où je pensais qu’elles ne seraient que vingt… » Le public ne l’a pas occis, aussi le miracle pouvait se poursuivre. Et tant pis si rares étaient ceux qui avaient foi en lui à ce moment-là. Car les « Quoi, tu veux faire du stand-up ? Mais tu t’es vu ? », il en a entendus. Pas black, pas beur, pas d’accent marseillais (ou parigot), pas l’air racaille non plus : mais quel stand-upper pouvait-il être ? « Clairement, je n’allais pas faire comme si j’étais né en banlieue et que les policiers étaient méchants avec moi alors que j’ai grandi tranquillement à Beaufort, Bonnevoie et Bettembourg… », s’amuse-t-il du haut ses 34 ans.
Et puis, depuis quand le Grand-Duché enfante-t-il des comiques ? Des champions cyclistes, oui. Des têtes couronnées, d’accord. Un Prix Nobel, ça passe. Mais un stand-upper ? « Je n’ai pas dû me battre, mais il a fallu convaincre », résume celui qui n’allait pas tarder à glisser sa drôlerie dans son avatar favori, Joss den Hellen. Du Luxembourgeois il a accent, du Portugais la moustache et de Daniel le sens du bon mot : une sainte trinité.
Depuis, bavardages, avis, formules et autres commentaires signés du Joss ont fait mouche dans bien des salles de spectacle du pays. Les réseaux sociaux – TikTok et Facebook en tête – se régalent aussi de ses traits d’esprit postés en mode 2.0. Daniel sait qu’il tient là un personnage à creuser ; il va y travailler. Oui, travailler. Car faire le comique, c’est du sérieux. Un labeur que le moniteur d’auto-école entreprend sitôt son dernier apprenti descendu de voiture. « Quand j’ai une idée, c’est une note que je tape sur mon GSM, une bonne phrase que je m’envoie en message vocal… Puis des heures d’écriture et de répétition à voix haute chez moi. » Tout ne tombe pas du ciel.
Bien sûr que le garçon a aussi le sens de l’improvisation. Un sens utile face aux spectateurs chahuteurs qui parfois lui font face. « Mais pour assurer un bon show, fluide, plein de rythmes et de gags, il faut se préparer. Tout le talent étant ensuite de faire passer ça pour de la spontanéité. » Et de cela, sa compagne Céline sera la première à en juger. « Elle est objective et c’est ce qu’il te faut quand tu joues. Toi, par rapport à ton propre travail, tu seras soit trop cool, soit trop dur. Elle, j’ai confiance… » Après, « la scène c’est le plus facile finalement ».
Une fois sur les planches, qu’importe le trac, les spots qui aveuglent, le murmure de ce public pas encore converti, la mémoire qui peut jouer des tours : le septième ciel est au bout du show. « Je ne suis pas une vedette, je me cherche encore mais je connais le Graal que je vise : un spectacle rien qu’à moi. Quelque chose qui me fasse sortir du lot tout en gardant mon authenticité », confesse l’humoriste.
Alors un jour, qui sait, il partira à la conquête d’autres publics plus lointains. Casino 2000, Aalt Stadhaus c’est bien ; les petits comedy clubs de Montréal, ce serait le paradis. En attendant, chaque plateau partagé avec d’autres stand-uppers est une occasion d’engranger de l’expérience, des références. Mais, pour les siècles des siècles, au firmament du Luxembourgeois les étoiles les plus brillantes ont pour nom Romain Frayssinet, Fary, Redouane Bougheraba ou Jamel Debbouze. Une confrérie dont il se verrait bien apôtre..