C’est à nouveau ce moment de l’année. Celui des regards nostalgiques sur l’année écoulée, mais aussi celui pour se fixer des objectifs que nous ne tiendrons pas,. Il est venu le temps des fameuses résolutions, que la société voudrait bonnes. Les bonnes résolutions prises à quelques heures de passer le cap d’une nouvelle année sont, le plus souvent, presque aussi bien orchestrée que celles prises à la récente Cop15 à Montréal. On prend beaucoup de temps pour y penser, pour en débattre avec soi-même, même parfois avec son entourage, on décide de mesures chocs, symboliques, fortes, le plus souvent les mêmes que les années précédentes, pour finalement ne donner aucun moyen pour les tenir. Se mettre au sport, faire un mois sans alcool (le maintenant très fameux « dry January »), prendre moins l’avion, arrêter de fumer, boire moins en général, utiliser moins sa voiture, baisser le chauffage, prendre plus de temps pour soi, autant de résolutions, qui, à l’heure à laquelle nous parlons se sont déjà évanouies dans les vapeurs d’un nouvel an arrosé.
Pour paraphraser le Président français, le premier conseil est d’arrêter de prendre de petites décisions. Voyons grand, tapons fort. Par exemple, décidons de passer une année un peu moins chaotique, moins déprimante, pour ne pas dire complètement nulle. Voyons grand, prenons comme résolution d’en finir avec la guerre, avec la crise, avec la récession, d’en finir avec le réchauffement climatique, d’en finir avec l’angoisse d’un lendemain incertain. Prenons la résolution d’en finir avec ces quelques multimilliardaires narcissiques, avec tous les narcissiques, d’ailleurs, ceux qui nous polluent la vie, la planète (et l’internet). L’avantage en voyant si grand, c’est que la probabilité de les tenir est très peu réaliste, et que l’on s’en sentira un peu moins responsable en cas d’échec.
Le plus fou avec cette tradition, en faisant une petite recherche c’est qu’elle est bien plus ancienne que ce que l’on pourrait imaginer. En effet, il semblerait, selon la légende, que les Babyloniens se soumettaient déjà à cet exercice il y plus de 4 000 ans. Non ils ne décidaient pas de s’inscrire à la salle de sport, ni d’arrêter de boire. Le dernier jour de l’année, ils réfléchissaient à l’année écoulée, rendaient le matériel agricole, payaient leurs dettes et multipliaient les promesses aux divinités, tout en faisant allégeance au roi. En échange de quoi, les divinités étaient supposées offrir leur protection. Les Romains ont repris le concept, en proposant promesses et offrandes au dieu Janus. Pour rappel Janus, c’est celui qui a donné son nom au mois de janvier, dieu romain des transitions, des commencements mais aussi des fins… Gardien des portes du ciel (rien que ça), il était vénéré pour sa capacité à rendre la nouvelle année meilleure que la précédente. Sans tirer des conclusions hâtives et en l’absence de preuve autre qu’une observation naïve, il semblerait que Janus n’ait pas très efficace ces dernières années, à moins qu’il ne sonne vraiment la fin.
On ne va pas se mentir, en ce début d’année 2023, l’atmosphère est plutôt comme une dernière phase du deuil : l’acceptation On sait que le fantasme d’une année meilleure s’écroulera assez vite. Finalement, rien de très étonnant que le mot « résolution » qui évoque une tradition fantasque, soit devenu un terme politique, signifiant des décisions réfléchies et avisées, qui s’avèrent le plus souvent tout aussi fantasques. L’Université de Stanford a depuis longtemps publié une étude énonçant l’abandon des bonnes résolutions par 80 pour cent des personnes les ayant prises dès le… 12 janvier. Dans la même logique, si les membres de la Cop15 ont pris leurs résolutions le 19 décembre, serait-il possible que 80 pour cent d’entre eux les aient déjà oubliées ? C’est possible, prenons cependant la résolution de ne pas oublier ceux qui prennent des résolutions. Quitte à vivre dans un monde qui ne tourne pas toujours rond, si on devait prendre une résolution qui est définie, selon le dictionnaire Le Larousse, comme un acte, par lequel, après réflexion, on décide volontairement d’accomplir quelque chose, prenons la résolution de tenir les résolutions, ça changera, pour une fois. Ou prenons la résolution de ne pas prendre de résolution que nous ne tiendrons pas. Prenons la résolution d’aller voter (et de s’inscrire pour les étrangers) pour rappeler aux décideurs de les tenir, pour une fois, puisque c’est la nôtre. Dans le mot résolution il y a : résoudre et solution, et ces deux mots réunis se rapprochent plus de la chimère que d’autre chose dans ce monde actuel. Je ne sais pas si les chimères prennent des résolutions, elles, mais celle de prendre le pouvoir et le temps de rêver en serait une belle.