Makimba, c’est la grand-mère congolaise, celle qu’elle n’a hélas jamais rencontrée. Marilou, la mémé luxembourgeoise qu’elle a fréquentée durant ses séjours au Grand-Duché, peu nombreux jusqu’à l’âge de seize ans. Maïté van der Vekene a donné à sa marque d’objets faits à la main les noms de ses deux ancêtres qui illustrent deux aspects essentiels de sa collection : un chic à la fois ethnique et classique. La sélection présentée actuellement au Corner Shop provient d’au moins de seize pays. Chaque produit a été soigneusement choisi par Maïté qui ne propose que « ce qu’elle porterait elle-même ». L’amalgame urbain et éclectique s’en ressent : chapeaux en feutre doux de Van Palma, Kimonos d’Inde, bougeoirs Tamegroute du Maroc, turbans vintage de Paloma Germain, sans oublier ses pièces maîtresses dont les écharpes Alpaca du Chili, avec lesquelles tout a commencé.
Partie vivre au Maroc avec ses parents à l’âge de quatre ans, puis en vadrouille pendant deux ans avec ces derniers (home-schooling avant l’heure) à Cuba, au Costa Rica, en Thaïlande notamment, Maïté n’est revenue au Luxembourg que quelques années avant d’étudier à l’université à Aix-en Provence, puis en suivant des échanges académiques à Stockholm, Copenhague et Groenland. S’enchaînent huit années pendant lesquelles elle travaille à New York, au sein de la représentation du Luxembourg auprès de l’ONU et pour l’ONU elle-même, sur la thématique du développement durable qui lui reste cher. Finalement, un besoin, un ressenti : faire « autre chose », sortir du cadre des grandes villes qu’elle aime tant, « continuer à découvrir, toujours ». Ne voulant pas faire son balluchon pour une tournée solitaire, elle se fait recruter en tant que responsable d’accueil sur un bateau de croisière de luxe (ne pensez pas à Triangle of Sadness) spécialisée en explorations, qui l’emmena d’Arctique en Antarctique, passant par la Polynésie française, le canal de Panama et le Chili. Pendant plusieurs mois, en contrepartie d’une obligation d’être pimpante et à la disposition des hôtes richissimes, elle pouvait, dès l’arrimage, profiter du temps libre pour explorer les contrées exotiques. Suivre les odeurs captivantes, dénicher les plages les plus bleues et les plus cachées, se délecter des mœurs et caractères locaux. Pour Maïté, cela signifie aussi partir à la recherche de l’artisanat le plus authentique et le plus exquis. Au Chili, elle tombe sur une dame, Aurora, qui lui montre ses écharpes enveloppantes en laine Alpaca.
Au bout des huit mois de voyage, celle qui voulait rentrer au pays pour se replacer tranquillement dans le monde professionnel, se retrouve bloquée par une mystérieuse maladie… On est en février 2020 et la maladie ne restera pas mystérieuse longtemps. C’en est fini des escapades. Lors d’un après-midi confiné, elle reprend contact avec Aurora, qui s’attriste : « Ici, rien n’a changé, sauf qu’il n’y a plus de bateaux, plus de touristes, plus de revenus… ». Maïté décide alors de lui commander un paquet d’écharpes, qu’elle fait livrer à travers monts et océans pour les proposer aux dames luxembourgeoises… qui en raffolent. Makimba et Marilou est né, sa passion et aussi son gagne-pain dorénavant.
La première vente privée à Luxembourg a lieu dans la rue Beaumont, dans le local de l’antiquaire Mike Decker à qui elle propose de combiner l’artisanat aux antiquités. C’est un partenariat qui durera. Ici aussi, les meubles, dont la plupart sont à vendre, proviennent de la collection de Mike, comme la chaise-luge datant des années 1920 qui attire tous les regards dans la vitrine actuelle (dans la tradition des boutiques new-yorkaises ou parisiennes, Maïté accorde le plus grand soin à ses devantures qu’elle adapte régulièrement), ou le somptueux comptoir-vitrine qui trône près de l’entrée en faisant fonction de caisse. Un deuxième partenariat que Maïté a concocté implique la libraire Alinéa, qui déménagera dans les lieux en 2023. Les ouvrages choisis ensemble parfont le goût exquis de la collection : des classiques (Céline, Italo Calvino), des livres d’art, des écrivaines (le dernier Prix Goncourt de Brigitte Giroud). D’ailleurs les femmes sont les héroïnes de cette exposition qui se conçoit aussi comme un étalage du talent et de la créativité féminines, à une exception près : les céramiques proviennent du Maroc, où cette activité est réservée aux hommes, les femmes travaillant entre autres le raphia.
Un prochain projet qui lui tient à cœur est la coopération avec la Turque Nidil, qui crée les petits bracelets en forme de cœur, feuille ou poisson en coton ciré. D’ici quelques mois, la série arborera les 17 couleurs des objectifs du développement durable ; un don sera assorti à chaque achat, en faveur de la Croix-Rouge luxembourgeoise. En attendant, les cœurs turcs font parade sur le comptoir, en parfaite harmonie avec des petites broches grecques (dans l’espace inouï de l’amour). D’ailleurs, dès février, Maité sera repartie, cette fois elle vise l’Afrique subsaharienne.